Les annonces du gouvernement en matière de logement ont suscité la colère des professionnels. La suppression du Pinel, le resserrement du PTZ, l’absence de moyens supplémentaires pour la rénovation énergétique sont vécus comme du mépris. Pourtant, la France consacre et depuis longtemps un « pognon de dingue » au logement. Et même si l’effort s’est réduit ces dernières années, il représente encore 1,5% du PIB. Pour quel résultat ?
Une aide en partie captée par les propriétaires bailleurs
Après 50 ans de politique du logement, c’est toujours la crise. Cet échec pose donc la question non pas du montant, mais de l’efficacité des aides publiques. L’on ne peut dès lors que s’étonner du manque d’évaluation globale. Quelques enseignements quand même issus de la littérature. Les aides à la personne (APL et autres) ont un fort effet redistributif, mais sont inflationnistes. Compte tenu de leur ciblage sur les ménages modestes, c’est une des prestations sociales les plus redistributives. Les foyers qui en bénéficient voient ainsi leur taux d’effort pour se loger réduit d’un tiers passant de 41 à 27% de leurs revenus, ce qui diminue le risque de tomber en pauvreté.
Toutefois, de nombreuses études concluent à l’effet inflationniste de ces aides à la personne sur les loyers. Les auteurs d’un récent document de travail de la Banque de France ne trouvent pas d’effet significatif des aides au logement dans les années 1980 quand elles étaient faibles. En revanche, à la suite de la réforme dite de « bouclage » du début des années 1990 qui a consisté à généraliser le versement des aides à tous les ménages modestes, ils montrent qu’elles ont provoqué une augmentation générale des loyers sur les deux décennies suivantes. Une hausse « pure » qui n’est pas due à l’amélioration de la qualité des habitations. Ces résultats viennent confirmer les conclusions d’autres travaux plus anciens, notamment de Gabrielle Fack, d’Anne Laferrère et de David Le Blanc qui trouvent un effet positif des aides au logement sur les loyers. Les estimations suggèrent qu’un euro d’aide supplémentaire se traduit par une augmentation de 78 centimes du loyer. Bref, l’aide est en partie captée par les propriétaires bailleurs.
Investissement locatif : le fardeau financier des avantages fiscaux
Les aides en direction de l’investissement locatif qui permet à un investisseur de bénéficier de nombreux avantages fiscaux n’échappent pas à la critique non plus. Elles sont très coûteuses pour les finances publiques, inflationnistes, et leur l’efficacité à accroitre significativement l’offre locative est contestable.
Au-delà de leur montant annuel, ces dépenses fiscales doivent être appréhendées sur la période de mise en location ouvrant droit à l’avantage fiscal, soit de 6 à 15 ans selon les cas. Selon la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le coût de la génération 2010 du Scellier devrait atteindre 3,9 milliards d’euros en 2024 pour la construction de 75 000 logements, soit un coût unitaire pour les finances publiques de 52 000 euros. La même année, le coût unitaire supporté par l’État pour financer les 147 000 logements sociaux construits s’établissait de 10 200 euros, soit un rapport de 1 à 5.
L’efficience de ces aides est donc clairement posée d’autant qu’elles ont aussi un effet inflationniste. La mise en place du Scellier a entrainé en moyenne en France une hausse des prix du foncier de 9 à 10% et de l’ordre de 25% sur le pourtour méditerranéen. Une véritable aubaine pour les propriétaires de terrain constructible.
La Cour des comptes de son côté a calculé que le coût pour les finances publiques d’un logement de 190 000 euros bénéficiant de l’avantage Pinel était 3 fois plus élevé que celui d’un logement social comparable. Avec de surcroît un impact marginal sur l’accroissement du parc et surtout une absence totale de visibilité sur l’impact véritable de ces aides sur le l’accroissement du parc locatif. En revanche, les effets d’aubaine sont bien identifiés. Tout changement de format de ces dispositifs depuis 30 ans est suivi d’embardées ou de décrochage des ventes à investisseurs.
Taux de TVA réduit, primes en tout genre en soutien de la rénovation se retrouvent finalement plus dans les marges des professionnels de la construction, sans l’allègement de l’effort supporté par les locataires. La France a besoin de construire plus, de rénover plus, mais aussi de remettre sur le marché des logements vacants, de réguler les meublés touristiques. Le choc d’offre n’est toujours pas enclenché et ce n’est pas en ajoutant des milliards à des milliards à un système d’aide coûteux et inefficace qu’il viendra.
Publié le jeudi 22 juin 2023 . 4 min. 45
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d'Alexandre Mirlicourtois
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