Dans la course à la vaccination, Israël arrive nettement en tête ce qui laisse entrevoir la fin de l’épidémie et une sortie au plus rapide de la crise de la Covid-19. C’est symbolique, de la réussite de la « startup nation » qui a fait de cette petite économie, le deuxième poids lourd mondial de l’innovation, juste derrière la « Silicon valley ». Un secteur « high tech » qui emploie directement 10% de la population active, génère 15% du PIB et représente 45% des exportations. Des chiffres impressionnants, mais en creux cela signifie quand même que 90% de l’emploi se situe hors du secteur des hautes technologies et que 85% de la croissance vient d’ailleurs. Une croissance forte par ailleurs. Sur les 20 années précédant la pandémie, le PIB s’est élevé sur une base de 3,6% l’an, c’est 1,6 points au-dessus de la moyenne des autres pays de l’OCDE
Derrière ce miracle économique, il y a d’abord le formidable essor de la population, passée en l’espace de 20 ans d’à peine plus de 6 millions d’habitants à plus de 9 soit un bond de près de 50%. La population des 20 – 64 ans, c’est-à-dire la main d’œuvre mobilisable pour créer des richesses, a suivi la même trajectoire.
Excédents naturels mais aussi mouvements migratoires ont joué de concert. Les gouvernements successifs ont misé sur le moteur démographique en relançant notamment l’« Alyah » et en organisant ensuite la relève via des accords passés avec de nombreux pays : Thaïlandais, Philippins, Bulgares, Turcs, Chinois peuvent désormais signer des contrats de travail et en seulement 30 ans 1,5 millions d’immigrés sont venus s’installer avec notamment au début des années 90, une immigration massive de Juifs soviétiques à la suite du rapprochement opérés par Mikhaïl Gorbatchev entre l'URSS et Israël.
Une des clés du succès israélien c’est donc une croissance extensive profitable à tous les secteurs : BTP, agriculture, industrie traditionnelle, distribution etc. Deuxième, point fort le bloc : assainissement des finances publiques, allégement de la pression fiscale et comptes courants excédentaires. Le taux d’endettement public israélien voisinait 110% du PIB à l’issue de la première intifada fin 1993. Et encore 90% à l’issue de la seconde en 2005, pour finalement tomber à 60% en 2019. Derrière ce résultat, il y a le recul massif du poids de l’Etat : de 2002 à 2011 la dépense publique a diminué de plus de 10 points son poids dans le PIB.
Cette décrue est la résultante du recul des dépenses militaires après les accords d’Oslo. Et surtout du repli des dépenses générales d’administration, qui recouvre un effort de rationalisation, auquel s’est ajouté le recul considérable des charges d’intérêt dans le sillage de la décrue internationale des taux. Côté comptes courants, malgré le déficit commercial, les excédents s’empilent depuis de nombreuses années, grâce aux énormes surplus dégagés dans les services et aux transferts des non-résidents vers Israël. De quoi soutenir les réserves de change.
A quoi s’ajoutent depuis peu les retombées économiques de la découverte et de l’exploitation de plusieurs gisements de gaz naturel off-shore. Cela a des effets direct sur le PIB, cela permet aussi d’améliorer le solde énergétique et de gonfler les recettes publiques via les redevances d’exploitations et autres impositions sur les sociétés. Un fond souverain dont les produits seront investis à l’étranger sera bientôt opérationnel.
Et c’est bien parce que le gouvernement israélien s’était constitué et (se forge encore) des marges de manœuvres qu’il a pu réagir très énergiquement à la crise de la Covid-19 avec des mesures budgétaires exceptionnelles représentant 7% du PIB selon le FMI. Autant de mesures qui n’ont pas effrayé les marchés : le shekel s’est raffermi en 2020 de près de 4% par rapport à un panier de devises des principaux partenaires commerciaux d’Israël, parmi lesquels figurent à la 1er place les Etats-Unis. Quant aux taux souverains à 10 ans, l’embardée de la 1er vague épidémique n’a été qu’une parenthèse. A environ 1% aujourd’hui, les taux sont bas d’autant plus que l’inflation est proche de zéro.
Bien entendue, l’économie israélienne souffre encore de nombreux freins structurels avec pêle-mêle une instabilité politique chronique ce qui accroît l’incertitude, des inégalités de revenus importantes avec un taux de travailleurs pauvres élevé, des inégalités géographiques, des filets sociaux trop faibles, une économie à deux vitesses avec un secteur protégé peu productif, un coût du logement prohibitif dans les zones tendues, etc.
Mais elle reste l’une des plus dynamiques de la région et ce n’est pas que l’innovation. Démographie, entrepreneuriat, rationalisation de l’Etat et constitution de réserves pour absorber les coups durs sont les quatre points d’appuis de la croissance israélienne.
Publié le jeudi 18 février 2021 . 4 min. 31
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