Un peu plus de dix ans après Lehman Brothers et le cataclysme qui a suivi, le rétablissement du tissu productif français reste partiel. Il faut partir du noyau dur composé de l’industrie manufacturière, des services aux entreprises, y compris la branche information-communication qui intègre entre autre les services informatiques, des services financiers et des utilities. Ce noyau dur, c’est le cœur de la croissance, le principal créateur de valeur et potentiellement exportateur.
La France, débordée par la zone euro et les USA
A priori, le rattrapage est total puisque la richesse créée par ces secteurs, mesurée par la valeur ajoutée, a restauré puis dépassé ses niveaux d’avant crise pour se situer à un niveau record. Mais il y a un très gros bémol. Avant la crise, la croissance annuelle moyenne était de +2,3% en tendance. Depuis 2009, point bas de la récession, le rythme est tombé à +1,1% seulement. Autrement dit, en prolongement la tendance calculée sur la première période, il manque 15 points de production. C’est considérable. C’est la marque de l’affaiblissement du potentiel de croissance de la France. A cela s’ajoutent des comparaisons internationales peu flatteuses, la France se laissant déborder à la fois par le reste de la zone euro et encore plus par les Etats-Unis. Cela explique aussi pourquoi, la reconquête des marchés extérieurs est un échec avec une part des exportations françaises dans les exportations mondiales qui se réduit encore. Selon les projections de l’OCDE, elle tomberait à quasiment 3% d’ici 2020, son plus bas niveau historique.
La concurrence pince les marges
Sur le front des marges, le bilan est également très mitigé. La restauration du taux de marge du noyau dur s’est brutalement retournée courant 2016. Si un léger mieux semble se dessiner en fin de période avec en outre de bonnes perspectives pour cette année liées à l’effet bascule du CICE, il manque de manière quasi-structurelle 4 points de marge par rapport à la période précédant la grande récession. C’est la marque d’un tissu productif encore très fragile. Mais toutes les entreprises ne sont pas logées à la même enseigne. Dans l’industrie, il est possible de parler d’un retour à la normale, avec un taux de marge proche des niveaux antérieurs à la crise. En revanche, c’est une véritable descente aux enfers dans les services aux entreprises où le taux de marge reste collé à un niveau plancher.
Il y a certes un effet « composition » : les activités très capitalistiques comme la location de matériels ont régressé au profit des activités de soutien aux entreprises (c’est-à-dire l’intérim, les services de nettoyage, de sécurité, les centres d’appels, etc.) très riches en main-d’œuvre dont le taux de marge est structurellement plus bas. Mais c’est un mouvement à diffusion lente. Le cœur du problème semble donc beaucoup plus du côté de l’intensification de la concurrence laquelle se traduit par de fortes pressions sur les prix et les tarifs. Loin de se limiter aux seules activités de services aux entreprises, ce mouvement traverse aussi les secteurs de l’information-communication et le commerce. Pris dans sa globalité, le tissu productif est donc fragilisé ce qui se traduit par un niveau de défaillances toujours très élevé et qui n’est jamais redescendu aux standards qui prévalaient avant crise.
Investissements et emploi se maintiennent
Si le tableau est sombre, il ne faut pas non plus le noircir à dessein. Deux indicateurs sont réconfortants. L’investissement et l’emploi. L’effort d’investissement des sociétés non-financières est en hausse et n’a jamais été soutenu depuis le début des années 2000. Les entreprises sont donc offensives et préparent le futur. A cela s’ajoute l’accélération de la croissance externe à l’international, bref des fusions-acquisitions. Elles embauchent également signe là aussi d’une certaine confiance en l’avenir.
L’état de santé économique et financière des entreprises françaises s’est amélioré ces dernières années, mais de là à penser qu’elles sont pleinement rétablies serait une erreur de diagnostic. Elles sont simplement en phase de convalescence et consolident leur potentiel, ce n’est déjà par rien !
Publié le lundi 27 mai 2019 . 3 min. 57
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