Dans un monde incertain où le risque géopolitique prévaut sur tout, la sécurité des approvisionnements n’existe plus. D’où ce refrain martelé par le gouvernement à chaque nouvelle crise : l’impératif de la souveraineté économique. Souveraineté pharmaceutique après la crise de la Covid qui a dévoilé l’incapacité de la France à fournir masques et paracétamol à la population ; souveraineté dans des filières clés après les ruptures d’approvisionnement en semi-conducteurs à la sortie de la crise sanitaire qui ont révélé notre vulnérabilité industrielle ; souveraineté énergétique après le déclenchement du conflit en Ukraine et la menace de coupures de courant ; souveraineté alimentaire, la crise agricole ayant exposé notre degré de dépendance vis-à-vis de l’extérieur.
La chute du leadership pharmaceutique
D’autres inquiétudes sont apparues depuis comme la capacité du pays à produire suffisamment de munitions s’il devait entrer dans un conflit à haute intensité. Souveraineté : vaste programme ! Mais cela devient aussi une injonction contradictoire dès lors que lui est accolée la volonté de maintenir les prix les plus bas possibles pour défendre le pouvoir d’achat des ménages ou préserver les finances publiques.
Si la France a perdu son indépendance dans les produits pharmaceutiques, c’est en partie parce que les prix de vente des médicaments remboursables sont trop faibles et désincitent les laboratoires à produire sur le territoire, car ils estiment que ce n’est plus rentable de le faire. Délocalisation de la production et manque d’investissements dans la R&D ont réduit la capacité du pays à contrôler et à sécuriser sa chaîne d’approvisionnement en médicaments, la rendant dépendante des importations.
La sanction est double. De premier producteur pharmaceutique européen, la France est tombée à la 5e place ; la pression sur les prix pousse certains producteurs à servir d’autres marchés avant de servir le marché français. Bilan, les pénuries ne cessent de s’aggraver ; elles n’ont même jamais été aussi profondes qu’en 2023.
Choix économiques : souveraineté versus prix bas
Le problème se pose de façon semblable dans l’alimentation, si bien qu’aujourd’hui 20% de l’assiette des Français est importée. Entre la moitié et le quart environ de la viande consommée vient de l’extérieur de nos frontières. Mais c’est aussi 37% de la consommation de fruits frais tempérés, et plus de 90% des produits de la pêche et de l’aquaculture. L’équation entre coûts de production internes élevés et recherche de prix écrasés que ce soit par la grande distribution, la restauration traditionnelle ou collective est impossible à résoudre si bien que le marché est servi par les imports.
La Suisse choisit l’autosuffisance au prix fort
Souveraineté ou prix bas, il faut choisir ! La France a fait son choix : le prix. La Suisse celui de la souveraineté. Afin de protéger son secteur agricole, le pays joue sur deux leviers : le contingentement et des droits de douane variables en fonction de l’intensité de la concurrence étrangère. Avec pour but de protéger la production locale en limitant voire en interdisant les importations le temps que la production locale soit écoulée comme dans le cas des cultures maraîchères et/ou en fixant des droits de douane variables sur les produits importés en fonction des prix des producteurs locaux.
Si le prix du produit importé est inférieur à celui ciblé, alors les taxes s’ajustent. Le haut niveau des coûts de production suisses explique pourquoi le taux de droit de douane moyen grevant les produits agricoles entrants est l’un des plus élevés au monde. Les IAA étant protégées elles aussi, cela conduit à un niveau élevé des prix à la consommation. Selon une étude de l’OCDE, les prix des denrées alimentaires en Suisse dépassent d’environ 75% ceux de la moyenne de l’UE et il faut à ses habitants débourser 2,5 fois plus pour la viande que les citoyens de l’UE. C’est le prix à payer pour se rapprocher de l’autosuffisance alimentaire.
Dans le cas de la France, il est toujours possible d’abaisser les coûts de production pour tenter de monter en compétitivité afin de regagner en souveraineté et limiter la facture finale pour le consommateur, mais cela sera insuffisant. L’alternative est claire : la perméabilité des frontières et la dépendance à petits prix ou des barrières à l’entrée et l’indépendance aux prix forts.
Publié le jeudi 14 mars 2024 . 3 min. 59
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