Taïwan est parvenu à devenir l’une des plus grandes puissances économiques d’Asie et c’est aussi pour ça, au-delà des préoccupations géopolitiques, historiques, que la Chine s’y intéresse tant.
Un îlot de prospérité
Avec un PIB de 829 milliards de dollars en 2022, l’économie taïwanaise se place en effet au 21e rang mondial, et 6e rang asiatique. Plus fondamentalement c’est l’une des zones les plus développées de la région avec un PIB par habitant d’environ 35 500 dollars, soit un niveau légèrement supérieur à ceux des Japonais ou des Coréens et près de 3 fois plus élevé de celui des Chinois. Taïwan, c’est aussi un miracle économique permanent : sa croissance est à toute épreuve ou presque et le niveau de richesse produit par le pays a doublé en moins de 20 ans. Les excédents courants sont pléthoriques et représentent en moyenne 10% du PIB, si bien que les réserves de change s’élevaient en décembre 2022 à plus de 550 milliards de dollars, soit la 6e réserve mondiale.
L’Ile-État de 23 millions d’habitants a su mieux qu’ailleurs gérer la crise de la Covid. En réagissant très vite via la réactivation des instruments de contrôle et de protection des frontières mises en place à la suite du SRAS en 2003. Mais aussi grâce à un système de santé très performant : accès aux soins facilité par à un très haut niveau de couverture sociale, médecine de qualité, traçage des patients, distribution gratuite de masques, etc. Prises une à une, ces mesures ne sont pas suffisantes, mais l’ensemble a été d’une efficacité redoutable. Ni confinement, ni fermeture des sites de production, des écoles ou des commerces, l’économie n’a jamais été mise à l’arrêt. Excepté l’important secteur touristique, le pays a même pu s’appuyer sur des industries très demandées comme les produits électroniques et médicaux pour exporter davantage.
Un État stratège
Inflation en dessous de 3%, chômage quasi inexistant, dette publique inférieure à 30% du PIB, tous les indicateurs sont au vert et l’économie taïwanaise apparaît comme un îlot de prospérité. Ce succès économique repose sur 3 principaux piliers :
1. Un volontarisme économique sans faille pour transformer une économie agricole en puissance industrielle. Le virage est pris dès les années 80 avec notamment la création de parcs scientifiques regroupant sur un même lieu universités, industries et centres de recherche. C’est aussi un investissement massif dans l’enseignement supérieur afin de disposer d’une main-d’œuvre capable de satisfaire les futurs besoins des entreprises. À cela s’ajoutent des mesures fiscales et financières d’encouragement très importantes et un soutien technologique aux sociétés avec la création de plusieurs centres de recherche travaillant en étroite collaboration avec l’industrie.
2. Deuxième pilier, l’élaboration de plans de développements nationaux fixant les grandes orientations industrielles. Le dernier couvre la période 2021-2024 et s’inscrit dans la continuité du programme précédent de modernisation économique des industries innovantes. Pas de plan fourre-tout, l’effort est concentré autour d’une poignée de secteurs considérés comme stratégiques : industries de l’informatique et du numérique, cybersécurité, biotechs, industries de la défense, principalement dans l’aéronautique et le spatial, énergies vertes.
3. C’est enfin, la mise en place d’agences gouvernementales jouant un rôle stratégique dans la planification et la mise en œuvre des politiques économiques.
Bref, tous les éléments constitutifs d’un État stratège sont là. C’est comme cela que l’île est parvenue à faire émerger des géants comme Acer, TSMC, Foxconn ou Asus. C’est comme cela que les industriels taïwanais sont devenus incontournables dans le secteur stratégique des semi-conducteurs. Troisième producteur mondial derrière la Corée et les États-Unis, ils dominent le marché des puces les plus sophistiquées.
Cette industrie est devenue le pivot de l’économie. Elle représente 15% du PIB et TSMC contribuerait à elle seule à 3,5% du PIB et 28% de la capitalisation boursière, une part qui monte à 50% avec les autres entreprises de cette industrie. Revers de la médaille, le pays est devenu particulièrement sensible au cycle d’un secteur des semi-conducteurs hypertrophié, au risque de nuire au développement d’autres activités, car :
- il attitre la majorité des nouveaux diplômés ;
- capte de nombreux moyens financiers ;
- consomme de nombreuses ressources, en particulier en énergie et en eau, au détriment notamment de l’agriculture pour un pays qui n’est pas autosuffisant.
C’est bien pourquoi le gouvernement actuel mise sur l’industrie spatiale et en a fait une priorité. Ce n’est toutefois pas tant la capacité du pays à se développer dans d’autres secteurs industriels qui doit inquiéter (il a déjà fait ses preuves), mais bien plus la Chine. L’économie taïwanaise, son leadership dans des industries clés, c’est le chaînon manquant qui permettrait à l’Empire du Milieu de franchir un cap dans sa course à l’hégémonie mondiale.
Publié le mardi 10 janvier 2023 . 5 min. 02
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