Comment la Fed a cassé les BRIC…et les autres émergents
Publié le jeudi 30 janvier 2014 . 4 min. 08
Xerfi Canal présente l'analyse d'Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi
La crise de 2008 aurait pu porter un coup fatal aux économies avancées, à bout de souffle et à bout de modèle. Elle aurait dû en premier creuser toujours plus l'écart de croissance qui ne cesse de s'élargir avec les BRIC depuis 15 ans. C'est paradoxalement l'inverse qui se dessine : au Brésil, les prévisions de croissance du gouvernement Rousseff pour 2014 sont tombées à 2%. C'est à peine mieux en Russie avec 2,5%. C'est bien loin des prévisions de la Banque centrale américaine qui place les Etats-Unis entre 2,8 et 3,2% pour cette année. L'Inde plafonnerait à environ 6%, les Chinois affichant pour leur part un objectif officiel de 7,5%, bien en-deçà de leurs performances passées. La mécanique de rattrapage semble s'enrayer marquant l'épuisement de modèles de croissance excessivement extravertis. Marquant aussi des dérèglements occasionnés par les stratégies monétaires non conventionnelles mises-en-?uvre par les pays avancés, États-Unis en tête, comme le montre l'évolution du bilan de la FED, multiplié par 4 en à peine 5 ans. Ironie du sort, cette hyper-liquidité, qui est médecine pour les uns semble être poison pour les autres. Que ce soit par inflation ou par la suraccumulation, l'hyper compétitivité-coût des émergents a pris du plomb dans l'aile et les faiblesses structurelles sont remontées à la surface. L'inflation se diffuse là où les rigidités de l'offre sont le plus manifestes. En Inde notamment. Dans un environnement mondial hyper-liquide, l'inflation a changé d'orbite courant 2008 et reste maintenant collée autour de 10%, ce qui contraint la banque centrale à durcir sa politique monétaire. Cette inflation marque deux insuffisances de l'offre indienne :
1/ Sa dépendance aux hydrocarbures qui pénalise sa balance commerciale et ses déficits publics (les prix à la pompe étant en partie subventionnés).
2/ L'insuffisance des investissements dans les infrastructures, qui génère des goulets d'étranglements dans l'énergie ou les transports et pénalisent la compétitivité.
Les seules pannes d'électricité coûteraient, chaque année, un demi-point de PIB à l'économie indienne. La crise révèle aussi les failles de l'offre au Brésil ou en Russie. Leur croissance construite sur l'exploitation de leurs ressources naturelles demeure assise sur une base productive étroite et inefficiente qui les rend vulnérables à l'inflation. Autre cas d'espèce, la Chine développe d'autres symptômes de l'hyper-liquidité. Le pays ne souffre pas officiellement d'inflation à 2,5% en décembre dernier, la hausse des prix se situe plutôt à un bas niveau. Il est exposé en revanche à un important risque de suraccumulation du capital, sur fond de bulle de crédit. Comme le montre ce graphique, l'investissement n'a cessé de se développer en Chine, jusqu'à représenter plus de 47% du PIB. Un chiffre exorbitant à mettre en perspectives avec les 19% de la zone euro ou les 15% des Etats-Unis. Pourtant une économie ne peut accumuler du capital pour du capital. Le débouché de la production doit être assuré. Mais le débouché est aujourd'hui pénalisé par la faiblesse du revenu consacré à la consommation, le sous-développement des institutions sociales et la déflation larvée des pays avancés. En définitive, on le voit, le dynamisme du Brésil, de l'Inde, de la Russie et de la Chine a cessé d'être une donnée acquise. Mais le mouvement est plus vaste encore comme le montre les difficultés de l'Argentine, de la Turquie, ou de l'Afrique du Sud. Et l'idée d'une convergence rapide des BRIC vers les pays avancés apparaît comme un processus bien moins inexorable et linéaire qu'annoncé.
Alexandre Mirlicourtois, Comment la Fed a cassé les BRIC?et les autres émergents, une vidéo Xerfi Canal
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