Le coronavirus marque notre actualité depuis la fin du mois de janvier. La réaction au virus s’inscrit dans la tendance actuelle : fermeture des frontières et retour à un certain protectionnisme, voire nationalisme. S’il est aujourd’hui difficile de prédire l’impact réel du virus sur l’économie mondiale, quelques éléments de réflexion émergent.
En effet, le coronavirus a été un révélateur des interdépendances et met certaines entreprises dans une situation complexe :
1. Elles vendent des produits en Chine et sont touchés par la fermeture des boutiques comme c’est le cas pour Apple ou pour les industriels du luxe. Toutefois, certains secteurs comme l’automobile ou la machine-outil étaient déjà touchés par le tassement de la consommation en Chine.
2. Elles ont fait de la Chine et plus largement de l’Asie un maillon central de leur chaîne d’approvisionnement. Dans ce cas, si la production ne reprend pas en Chine, ces entreprises risquent de connaître d’importantes et longues ruptures de stock.
Ainsi, cette situation de dépendance questionne la pertinence d’un retour de certaines productions stratégiques en Europe comme l’appelle de ses vœux Bruno Lemaire. En effet, la Chine abrite de nombreux sous-traitants critiques dans la production de biens manufacturés. Le virus vient ainsi paralyser des pans entiers de l’économie. Ainsi, sur le long terme, la relocalisation de certaines activités peut apparaître pertinente, notamment parce qu’au-delà de la dépendance en termes d’approvisionnement, se pose également des questions de souveraineté technologique. Mais il faut poser cette question des relocalisations sur un temps long. Pourquoi ?
1. La demande évolue vers une recherche de proximité et de réactivité, difficilement compatible avec une production éloignée des lieux de consommation.
2. L’innovation joue un rôle central dans la recherche de différenciation des entreprises, mais elle est plus efficiente quand les usines sont proches du bureau d’études.
3. La transformation des sites de production permet d’envisager des relocalisations, surtout si l’on intègre des éléments tels que le coût du transport, le coût carbone des productions lointaines ou encore le poids du besoin en fonds de roulement (BFR).
4. Une tendance à la remise en cause du modèle dominant de production en grandes séries dans de méga-usines aux coûts les plus bas possibles. De grandes usines continueront à exister à l’avenir, mais l’Europe pourra voir fleurir des unités capables de produire en petites séries au plus proche des marchés.
Deux prérequis sont nécessaires pour cela
1. Une volonté des industriels avec le sentiment que cela a du sens de rapatrier certaines productions en France pour des questions de coûts, qualité et délais ;
2. Une politique de reconquête industrielle nationale et européenne.
Néanmoins, cette évolution se fera sur un temps long, notamment parce que la recherche de fournisseurs alternatifs et la relocalisation des activités de production est un phénomène qui prend du temps et qui a un coût.
Or, s’il faut penser le temps long, à très court terme, l’urgence est ailleurs. Le coronavirus vient fragiliser le tissu industriel national qui se remet à peine de la crise de 2008. Les entreprises vont se trouver dans une situation critique où elles peinent à investir par manque de marges et où le virus va impacter fortement leur trésorerie. Le choc qu’il va provoquer ne pourra pas être amorti uniquement par une stimulation de la demande, mais par des mesures de soutien à l’investissement, au besoin au fonds de roulement et à la trésorerie.
De la réponse apportée à cette crise dépend l’avenir de notre industrie nationale.
Publié le mardi 17 mars 2020 . 4 min. 04
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d'Anaïs Voy-Gillis
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