Chaos en Méditerranée
Publié le mardi 27 août 2013 . 4 min. 29
Xerfi Canal présente l'analyse de Jean-Michel Quatrepoint, Journaliste-essayiste
Les uns après les autres, les pays méditerranéens basculent dans la trappe à pauvreté. Guerre civile en Syrie, et peut-être demain en Égypte, voire en Tunisie. Chaos généralisé en Lybie. On citera, pour mémoire, le Liban, perpétuellement entre guerre et paix.
Au nord de cette mer, qui fut le berceau de notre civilisation, il n'y a plus de conflit armé, mais une paupérisation accélérée, en Grèce, en Italie du sud, et en Espagne. Une paupérisation brutale, avec la crise de l'euro, qui se traduit par un chômage de masse, notamment chez les jeunes. Certes, les touristes ont afflué, cet été, en Grèce comme en Espagne, mais cela n'a rien changé sur le fond. Ces deux pays récupérant une partie des touristes qui désertent la Tunisie et l'Égypte. Certes, quelques pays s'en sortent encore : Israël, fortement lié aux Etats-Unis aux plans économiques et militaires, et l'Algérie, elle, sous perfusion gazière. Quant à la Turquie, elle est un peu à la croisée des chemins, et le risque d'affrontement interne ne peut plus être exclu.
Tous ces pays ont également en commun une corruption généralisée, qui n'est pas pour rien dans la déstabilisation qu'ils connaissent.
Une déstabilisation, dont les occidentaux, européens et américains, portent une part de responsabilité. Il est temps de s'interroger sur la politique suivie depuis presque un quart de siècle dans cette région du monde. Tout a commencé avec la première guerre du Golfe où nous avons joué les apprentis sorciers en cassant Saddam Hussein sans aller jusqu'à Bagdad. Et sans réfléchir aux nouveaux équilibres régionaux. Cela a continué avec les Balkans où l'on a démantelé allégrement la Yougoslavie, parce qu'Allemands et Américains le souhaitaient. On a relancé, à cette occasion, les conflits religieux, ethniques, les guerres civiles. En arbitrant, au passage, en faveur des mafieux albanais, au détriment de nos alliés historiques serbes.
Avec la seconde guerre du Golfe, on a franchi une nouvelle étape dans la déstabilisation de la région. Tout ceci aurait eu un sens si parallèlement nous avions accompagné cette politique droits de l'hommiste d'un programme de développement économique. Or, il n'en a rien été. D'abord, parce que les Américains n'avaient aucunement l'intention d'aider les pays méditerranéens. La seule chose qui leur importait, qui leur importe, étant la sécurité d'Israël, et la sécurité de leurs approvisionnements pétroliers en provenance d'Arabie Saoudite.
Ensuite, parce que l'Union européenne à 27, dominée par les pays du Nord et l'Allemagne ne voyait pas l'intérêt d'aider le sud de la méditerranée. À Berlin, on a préféré aider les pays de l'Est, qui accueillaient l'industrie allemande.
Les tentatives d'union méditerranéenne tentées par Nicolas Sarkozy ont vite tourné court. Les projets de développement économique se sont concentrés sur le seul tourisme, la plupart des multinationales préférant investir en Chine ou ailleurs.
C'est ainsi qu'on a créé toutes les conditions de l'explosion. Car, en même temps, ces pays ont largement ouvert les portes de leurs universités. Ils ont formé des diplômés, destinés à devenir des chômeurs. On estime qu'environ un jeune sur deux de moins de 25 ans est au chômage. Rien d'étonnant donc à ce que les intégristes musulmans aient prospéré. Et pris le pouvoir dans le sillage du Printemps arabe. Mais la situation économique n'ayant fait qu'empirer, les populations sont en train de les lâcher.
Pour qui ? Pour quoi ? On ne sait. Ce qui est certain, en revanche, c'est que l'Europe, plutôt que de vouloir donner des leçons de morale, ferait mieux de proposer un vrai projet de développement en partenariat, pour le bassin méditerranéen. Tendre la main à ce Maghreb et à l'Égypte, finalement si proches, pour stabiliser cette région. Car, comme le disait Helmut Kohl, à l'occasion de la réunification de l'Allemagne : « si le capital ne va pas vers les hommes, ce sont les hommes qui iront vers le capital ».
Une immigration massive vers l'Europe, due à des guerres civiles et religieuses dans le bassin méditerranéen, risquerait, dans le contexte économique et social actuel, de déstabiliser encore plus les pays européens. À commencer par la France.
Jean-Michel Quatrepoint, Chaos en Méditerranée, une vidéo Xerfi Canal
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