Xerfi Canal présente l'analyse de Jean-Michel Quatrepoint, journaliste-essayiste
Cela a commencé par une crise financière avec les subprimes et la faillite de Lehman Brothers. Cela a continué, fort logiquement, par une crise économique, la finance et ses dérives n'ayant fait qu'aggraver les déséquilibres d'une mondialisation non régulée et d'un libre échangisme forcené. À défaut d'être éclairé.
Cela s'est poursuivi, en Europe, par une crise de la monnaie unique, avec le grand écart entre Europe du Sud et celle du Nord. Cette dernière ayant imposée ses vues sur l'austérité, la rigueur, la purge, nous avons basculé, tout aussi logiquement, dans une crise sociale. Avec un chômage qui explose dans le Sud de l'Europe, en France. Avec surtout un chômage des jeunes, des jeunes diplômés, ce qui est le pire. Comme s'il ne servait à rien de faire des études.
Chômage, fermeture d'usines, désindustrialisation… il fallait être aveugle ou cynique, ou les deux à la fois, pour ne pas comprendre que cette désespérance sociale allait déboucher sur une nouvelle étape de cette crise globale : la crise politique, ou plutôt la crise du système politique, la crise de nos démocraties occidentales. Avec le résultat des élections italiennes nous y sommes… presque.
Voilà des années que les peuples européens expriment leurs doutes sur la politique, ceux qui la font, ceux qui en vivent, et ceux qui la commentent. Un doute à l'égard des élites en général, des banquiers bien sûr, des dirigeants de multinationales… Bref, de tous ceux qui ont piloté la mondialisation et la construction européenne depuis 20 ans. Et qui en ont souvent largement profité. Avec une explosion des écarts de richesse.
Tant que les classes moyennes récoltaient les miettes de cette mondialisation, elles ne regimbaient pas trop. Certes, elles sentaient intuitivement que cette Europe qu'elles aimaient, dérivait. Elle s'élargissait n'importe comment. Elle se dotait d'une monnaie unique sans un minimum de gouvernement économique, sans harmonisation fiscale et budgétaire. Elle se disait, cette classe moyenne, que l'on mettait la charrue avant les bœufs et que cet euro finalement était synonyme de vie chère.
Autant d'objections balayées d'un revers méprisant de la main par les élites politiques et technocratiques qui se partagent le pouvoir depuis quelques décennies. En France comme ailleurs. Ceux qui se permettaient un doute, une critique étaient excommuniés, rejetés dans le camp des populistes, voire pire. Mais voilà des années que l'on demande des sacrifices aux populations, aux européens du Sud et aux Français. Certes, les purges ne sont pas toutes les mêmes et l'on ne saurait ? encore ? comparer la situation des Grecs à celle des Français. Mais après avoir zappé presqu'à l'infini entre la gauche, la droite, le centre, après avoir testé les technocrates comme Mario Monti, les électeurs commencent à être tentés d'essayer autre chose.
En Espagne, où les scandales succèdent aux scandales, où la famille royale est déconsidérée, c'est la tentation de la rue. Voire, en Catalogne, de la sécession, de l'indépendance… En Belgique, c'est la tentation du divorce entre deux communautés qui ne partagent plus grand chose. Au Portugal, le désespoir gagne et le comble, ce sont ces milliers de jeunes Portugais qui émigrent vers les anciennes colonies, en Angola. Quelle belle réussite pour l'Union Européenne ! En Italie, c'est le phénomène Beppe Grillo, pour qui plus d'un électeur sur quatre a voté. Un vote où une forte majorité d'électeurs, si l'on ajoute les voix de Beppe Grillo à celles de Berlusconi, exprime son euroscepticisme, son rejet d'une Europe allemande et sa volonté de repenser la monnaie unique. Voire de l'abandonner.
Si on continue comme cela, les votes dits populistes vont progresser. Partout. Car Internet, les réseaux sociaux, les bonnes vieilles manifs et meetings, bouleversent le jeu politique et médiatique. Et amplifient le phénomène de ras le bol des populations.
À Berlin comme à Bruxelles, on devrait se souvenir des années trente, de la politique déflationniste menée en Allemagne par le chancelier Brunig, et par Pierre Laval en France, et du chômage de masse. Une politique qui a ouvert un boulevard à Hitler. Nos élites, aux têtes bien pleines et bien faites, devraient également méditer ce que Mirabeau disait à Louis XVI en 1789 : « Sire, quand on voit où les bonnes têtes ont mené le pays, il ne serait peut être pas inutile d'essayer les mauvaises…» S'il l'avait écouté, Louis XVI aurait peut-être sauvé sa tête.
Jean-Michel Quatrepoint, L'Europe dérive de l'exacerbation sociale à la rage populiste, une vidéo Xerfi Canal
Publié le jeudi 28 février 2013 . 4 min. 55
Mots clés :
Europe / Zone euro
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