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Les groupes du CAC 40 enchaînent les records de profitabilité depuis 2020, et cette isolente santé financière renforce le sentiment de leur déconnexion aux réalités du monde et d’une forme d’invulnérabilité. L’énergie flambe, les pénuries se multiplient, et les profits du CAC 40 étaient encore au zénith au premier semestre 2022, dépassant les attentes des analystes, volant de record en record. Et si les bourses ne dévissent pas plus fortement à ce jour, elles le doivent largement à ce facteur.


Changements de périmètre


Prenons d’abord la mesure de cette étonnante santé financière, sans en exagérer la portée. Il y a d’abord cette donnée sujette à caution des résultats nets des groupes du CAC 40. Ce chiffre agrégé recouvre des changements de composition, de périmètres, etc. : PSA en 2019, ce n’est pas la même chose que Stellantis, élargi à Fiat Chrysler en termes de taille. Accor est dans les 40 stars en 2019, mais n’y est plus en 2021, remplacé par Alstom, etc. Et derrière l’apparente continuité des chiffres, il y a des aussi résultats exceptionnels qui peuvent fausser la vraie tendance. En 2021, par exemple, la cession d’UMG par Vivendi dope à elle seule de 25 milliards les profits du CAC 40. Néanmoins, ces précautions ne minimisent pas le fait que près des 2/3 des groupes qui composent le CAC 40 ont publié en 2021 des résultats les plus élevés de toute leur histoire. Et qu’au premier semestre de cette année, les profits du CAC 40 battent encore de plus de 25% leur record du premier semestre 2021. Les trois quarts affichent une croissance de leurs profits, et seuls Renault et Société Générale, connaissent des pertes, largement exceptionnelles, liées aux provisions passées à l’occasion de leur sortie de Russie.


Derrière cette tendance forte, il y a donc, ne l’oublions pas, l’impact des changements de périmètre. Les géants du CAC 40 sont les acteurs parmi les plus actifs en termes d’acquisitions. Leur bonne notation financière leur permet de lever de la dette à faible coût, et de jouer à plein le levier. Et ce pouvoir d’acquisition leur permet de surcroît de se repositionner rapidement là où les vents sont porteurs. Ce n’est pas un hasard si les intégrateurs les plus actifs sont ceux de l’énergie, qui prennent ainsi la vague de la transformation climatique. Où que Eurofins Scientific est le champion de la croissance externe, faisant la razzia sur les laboratoires d’analyse que ce soit en matière de santé ou de sécurité environnementale.


Des groupes qui surfent sur l’inflation


Derrière les records il y a ensuite les profits vertigineux des secteurs qui profitent de l’inflation, puisqu’ils en sont à la source : TotalEnergies bien sûr, mais aussi Engie, qui surfent sur la hausse des prix des énergies fossiles et notamment l’envolée vertigineuse du prix du gaz. Et c’est au fond le même mécanisme qui dope les profits des banques. La remontée des taux d’intérêt leur permet de gonfler leurs marges d’intermédiation, après des années de taux zéro. Les volumes de prêt ont jusqu’ici résisté, et le durcissement des conditions de refinancement opéré par les banques centrales n’a pas encore prise sur leurs volumes et sur leur profitabilité.


Derrière des records aussi, l’exacerbation des pénuries dont bénéficient certains géants du CAC. Un obstacle à la croissance pour tous les secteurs utilisateurs, mais une opportunité fabuleuse pour les entreprises qui opèrent sur ces secteurs. À l’instar, bien sûr de la pharmacie, qui surfe sur la vague sanitaire. Mais aussi des acteurs de la Tech : face à la pénurie de semi-conducteurs, STMicroElectronics est en plein boom. Porté, ET par les volumes ET par les prix.


Repositionnements de gamme et augmentations de prix


Beaucoup d’entreprises revendiquent la maîtrise de leurs coûts pour justifier leurs super profits, et notamment les économies héritées du Covid. Pourtant à y regarder de près, les effectifs des secteurs les plus directement impactés ont plutôt bien résisté, à l’instar de l’automobile ou de l’aéronautique. Et cet argument voile mal que c’est d’abord par les hausses de prix que les entreprises sur-vitaminent leurs profits. Le cas de l’automobile est particulièrement édifiant. Stellantis, c’est 6,5 millions de véhicules neufs commercialisés dans le monde en 2021, quand l’ensemble des marques qui composent le groupe avaient cumulé un total de 8 millions de véhicules en 2019. Et c’est à peine 3 millions de véhicules vendus au premier semestre 2022. Encore en retrait. Et ce sont pourtant des profits records. Certes, il y a du repositionnement de gamme, notamment sur le marché américain. Mais des profits qui augmentent, quand une production s’effondre d’un quart, c’est inconcevable… sauf si l’on admet que la hausse des prix a fait l’essentiel du job. Et même, Renault, avec de pires fondamentaux encore, parvient à surnager en termes de profitabilité.


Idem pour le luxe. Les marchés d’Asie et notamment chinois vacillent en termes de volume. Mais le luxe est le luxe, porté par la puissance des marques, avec une sensibilité aux hausses tarifaires faible du côté des consommateurs.


Et au bout du compte, la sur-profitabilité du CAC 40 nous délivre deux informations essentielles :

- Un, les désordres géopolitiques sont aussi des opportunités pour les groupes qui ont, grâce à leur pouvoir d’acquisition, une grande vélocité de repositionnement.

- Deux, les grands groupes font plus que s’adapter à l’inflation. Grâce à leur pouvoir de marché, c’est eux maintenant qui la font.


Publié le lundi 26 septembre 2022 . 5 min. 40

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