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Les programmes des candidats se précisent. Regardons à ce stade la philosophie fiscale des différents candidats, en termes d’efficacité et d’équité, et ce qu’elle révèle de leur représentation des moteurs de la croissance.


François Fillon : la compétitivité prime sur l’équité


Du côté de Fillon, le cap est clairement mis sur la dévaluation fiscale, avec pour toile de fond l’enjeu de la compétitivité qui se traduit par une baisse de 44 milliards des prélèvements sur les entreprises. A la clé, un approfondissement de la baisse des charges, une baisse de l’IS et des impôts sur la production, partiellement compensés par une hausse de la TVA. Un enjeu de compétitivité, doublé de celui de l’attractivité, qui passe par un allègement et une simplification de la fiscalité sur le capital avec notamment une flat taxe sur les revenus du capital et une suppression de l’ISF.


Tout cela est clairement anti-redistributif. Mais cela est assumé. Il s’agit de modérer le sur-consommateur français, de sorte à rétablir en priorité l’équilibre de la balance des paiements. Pour sauver une France en quasi-faillite, l’équité passe à la trappe.


Emmanuel Macron : allègement de la fiscalité sur le capital et le travail


Côté Macron, même si l’allègement de la barque fiscale des entreprises reste de mise, il ne s’agit pas à proprement parler de l’épine dorsale de son programme. Disons que la dévaluation fiscale du CICE est d’abord pérennisée. Mais l’enjeu est plus clairement celui de l’efficacité, qui se fixe comme priorité un allègement de la fiscalité des facteurs de production, travail et capital, plus que de l’entreprise en tant que telle.


Avec, premièrement, une diminution de l’imposition sur le capital productif et son basculement sur le capital immobilier improductif : cela passe par un recentrage de l’ISF sur la rente immobilière, et des incitations fiscales en faveur de certains produits d’épargne longue. Selon cette optique, l’investissement, notamment numérique, n’est pas l’ennemi du travail. Bien au contraire, la diffusion du progrès technique favorise l’émergence de nouveaux métiers.


Macron préconise deuxièmement un allègement des prélèvements sociaux sur le travail et leur basculement sur la CSG, impôt à assiette large. On est là clairement dans la ligne de la flexisécurité, selon laquelle la sécurisation des parcours est un bien commun, qui demande la mise à contribution de l’ensemble des citoyens, y compris inactifs, et de toutes les formes de revenu. Le bilan de ce programme en termes d’équité est difficilement décryptable.


Benoît Hamon : inciter les moteurs durables de croissance et renforcer l’équité


Côté Hamon, son prisme de la fin du travail le conduit à repenser les bases fiscales en les déplaçant vers celles qui génèrent de la valeur. D’où son idée, relayée involontairement par Bill Gates, que l’impôt doit se déplacer vers les robots intelligents. On est là aux antipodes d’Emmanuel Macron. Le numérique lamine l’emploi. Il faut capter la rente technologique via l’impôt et la redistribuer, si l’on veut que le circuit de la consommation demeure alimenté.


Au menu aussi, booster la fiscalité écologique : le carbone s’ajoute aux robots comme source de nouvelles recettes fiscales. Et enfin, un renforcement de l’arsenal anti-évasion, visant notamment les GAFA. Lutte contre la concentration de la rente technologique, contre la pollution, contre l’évasion. L’impôt sert d’abord à lutter contre les externalités négatives, à inciter les moteurs durables de croissance et à renforcer l’équité.


Jean-Luc Mélenchon : tant pis pour le ras-le-bol fiscal, priorité au ras-le-bol social


La fiscalité vue par Mélenchon, c’est la chasse au gaspi fiscal. Car pour Mélenchon le déficit est d’abord dû à la série de cadeaux fiscaux octroyés aux entreprises sous Sarkozy et Hollande. Le CICE et la prolifération des niches à l’efficacité douteuse sont au premier rang des accusés. Le manque à gagner fiscal relève aussi des comportements d’évasion, contre lesquels le candidat entend lutter, en taxant le bénéfice là où il est réalisé. Mélenchon est le seul candidat que le ras-le-bol fiscal laisse impavide. Priorité au ras-le-bol social, à la progressivité et à la redistribution. Avec la consommation comme moteur de la croissance.


Marine Le Pen : jouer les classes moyennes contre les plus riches


Enfin du côté de Le Pen, c’est la philosophie du clientélisme. Séduire ceux qui font nombre, les PME, avec l’IS progressif, versus les grands groupes qui se dérobent à l’impôt. La classe moyenne (inférieure) versus les plus riches, avec un renforcement de la progressivité, aussi bien de la fiscalité du revenu que celle du patrimoine. L’impôt décline à sa façon les antagonismes dont se nourrit le parti, et notamment celui qui oppose le prédateur mondialisé à l’entreprise ou au citoyen moyens ancrés sur le territoire.  


Ce rapide décryptage fiscal montre que cette campagne est bien mieux armée sur le plan des idées que ne le suggère le bruit et la fureur des scandales.

 

Olivier Passet, Comprendre les enjeux et les clivages du débat fiscal, une vidéo Xerfi Canal TV.


Publié le mardi 7 mars 2017 . 5 min. 15

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