Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi
La baisse d'un quart de point du principal taux directeur de la BCE a été saluée par tous les pays européens qui sont à la peine dans la reprise. Commenté comme la confirmation d'un pilotage bien plus proactif de la politique monétaire que par le passé, sous la tutelle de Mario Draghi. Cette baisse, on le sait n'aura que peu d'effets en tant que telle. Mais elle rassure tous ceux qui scrutaient avec inquiétude la décélération de l'inflation et la hausse concomitante de l'euro. Un enchainement déflationniste qui constitue la principale menace sur la pérennité du mouvement timide de reprise européenne.
Elle a fait grincer des dents en Allemagne aussi, décalage conjoncturel oblige, intérêt des vieux rentiers vieillissants oblige. Intérêt des importateurs/réexportateurs allemands obligent un bazar économique qui puise sa force dans le pouvoir d'achat élevé de l'euro. D'où aussi le risque que la décision de la BCE soit contreproductive, en donnant l'impression qu'elle a épuisé toutes ses cartouches, poussant la tolérance allemande dans ses dernière limites et frôlant les planchers en matière de baisse possible des taux. C'était là tout le danger de cette décision : donner le sentiment que la BCE serai désarmée pour la suite.
On comprend dès lors que l'institution ait rapidement recouvert les voix discordantes pour communiquer sur le fait qu'elle pouvait aller plus loin. Deux pistes ont notamment été évoquées :
1/ Des taux de dépôt négatifs pour les banques. Autrement dit, les banques commerciales paieraient des intérêts lorsqu'elles stérilisent leur liquidité auprès de la BCE, une manière de les orienter vers le crédit.
2/ La suppression des coefficients de réserves obligatoires des banques. Vielle technique du contrôle quantitatif, qui libère un potentiel supplémentaire de liquidité pour le crédit à l'économie.
Mais l'une comme l'autre des mesures ne peut avoir qu'un impact marginal. Il n'y pas de technique efficace pour forcer les banques à mobiliser leur liquidité auprès d'une économie en déflation. La Banque du Japon et la FED s'y sont déjà cassé les dents, et c'est bien pour cela que les institutions sont obligées de mobiliser des instruments non conventionnels qui permettent en substance à la banque centrale de prêter directement à l'économie et de se substituer ainsi aux banques défaillantes.
Et c'est bien sur ce point que ressort avec évidence ce que la BCE ne fait pas et que les autres font. La BCE a au fond utilisé l'arme dérisoire de la baisse des taux pour ne pas rouvrir le vrai dossier qui fâche. Celui de l'usage du quantitative easing. La BCE est en total rétropédalage depuis 1 an sur ce terrain et repompe la liquidité qu'elle avait émise. La baisse de son bilan est spectaculaire depuis la mi-2012. L'institution à résorber 2/3 de la hausse de son bilan depuis la crise de la dette souveraine et 40% de l'accroissement observé depuis le début de la crise. La hausse de l'euro vient d'abord de là, bien plus que de l'écart des taux avec le reste du monde.
C'est sur ce point que la stratégie de la BCE dissone avec les stratégies nipponnes et américaines. La BCE ne mène pas une lutte déterminée contre le risque de déflation en prêtant aux entreprises via les marchés secondaires de titre. On peut y voir un manque de bonne volonté. Mais pas seulement. La vérité est aussi que ce que le marché des titres corporate est bien plus étroit en Europe qu'aux Etats-Unis. La FED peut prêter ou quasi-prêter aux agents non financiers en achetant des titres privés. La BCE elle ne sait prêter finalement qu'aux banques et qu'aux Etats. Hors ce n'est pas de ce côté-là que se situent les risques aigus de restriction du crédit aujourd'hui.
Olivier Passet, Déflation : une BCE écartelée et versatile, une vidéo Xerfi Canal
Publié le lundi 18 novembre 2013 . 4 min. 06
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