Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi
L'Europe est pleine de ces mots valise, qui à force d'être rabâchés, ressassés sans jamais être adossés à des actes, sans que leur sens même ne soit vraiment précisé, ont perdu tout pouvoir de mobilisation. Notre embryon d'Europe inachevée, vit avec ses rêves de « gouvernement économique », de « convergence réelle », de solidarité, d'Europe des grands projets, voire de fédéralisme sans que jamais rien ne soit fait en ce sens. Se réclamer de l'un ou l'autre de ces concepts, c'est se fondre dans la rengaine de nos velléités européennes auxquelles plus personne ne croît. L'harmonisation fiscale et sociale appartient à cette litanie devenue inaudible. Elle est pourtant plus que jamais nécessaire.
Et pendant ce temps, l'Europe avance et ploie sous le seul projet qu'elle a su faire avancer, celui de la monnaie unique, et qu'elle continue de faire avancer à travers toujours plus de surveillance et d'outils prudentiels autour de la finance. Un projet qui la dépasse et qui à force d'avancer de façon univoque dans un contexte non solidaire, transforme la fiscalité en arme défensive ou agressive de concurrence. Nous avons dans d'autres vidéos souligné comment l'arme de la dévaluation fiscale avait été utilisée par une quinzaine de pays de l'union durant la crise. Mais le processus était encore bien plus intense dans les années qui ont précédé la crise.
Surtout cette arme a été utilisée sans règle. La grande différence qu'il y a entre une dévaluation classique et fiscale :
C'est d'abord que les premières étaient encadrées. Seuls les pays confrontés à un déséquilibre de leur balance commerciale et confrontés à une crise de défiance sur le monnaie étaient autorisés à dévaluer dans des marges raisonnables. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, puisque des pays en fort excédents comme l'Allemagne dans la zone et la Suède, hors zone, ont utilisé l'arme de la dévaluation.
La seconde grosse différence, c'est que les dévaluations classiques ne fonctionnaient que sous condition. Si elles étaient accompagnées de politiques qui permettaient d'éviter les dérives de l'inflation importée et d'organiser une modération salariale. Les secondes fonctionnent de façon plus automatique puisque qu'elles ne sont pas fragilisées par les risques de dérive inflationniste.
Autrement-dit, elles sont donc utilisées de façon inadéquate mais le plus souvent efficace.
A l'heure où la France s'engage à son tour dans ce mouvement de concurrence, à travers le CICE et l'engagement présidentiel d'adosser de nouvelles baisses d'impôts et de cotisations à réduction des dépenses publiques, il faut reconnaître la nécessité de cet ajustement pour la France.
Mais il faut aussi reconnaître le processus sans fin et sans principe dans lequel s'est engagé l'Europe. En rentrant dans le rang de la concurrence fiscale, la France fait sauter un dernier verrou à ce processus absurde et déstabilisant qui consiste à conquérir des avantages provisoires, au détriment des autres et surtout de sa propre population. La politique d'ajustement engagée par le gouvernement français serait beaucoup plus crédible, efficace et acceptable s'il endossait en même temps le combat de l'harmonisation fiscale. Non comme un slogan creux, mais comme combat de première urgence que seul un grand pays fondateur de la construction européenne peut servir efficacement. L'Europe a besoin aujourd'hui d'un « serpent fiscal » au risque de tout perdre, y compris sa monnaie.
Olivier Passet, Europe : la guerre fiscale sans fin, une vidéo Xerfi Canal
Publié le lundi 20 janvier 2014 . 3 min. 34
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