Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi
L’idée fait son chemin. Nos économies européennes seraient durablement piégées dans une croissance zéro. Et l’ensemble du monde confronté à une grande stagnation séculaire. Je ne discuterai pas ici la validité de cette hypothèse. Certains y voient la manifestation d’une panne du progrès technique. D’autres, les effets de la préférence grandissante pour l’épargne de populations vieillissantes, au détriment de la dépense. D’autres, le coût induit par une mauvaise coordination des politiques au plan mondial et européen. D’autres enfin, un problème de répartition. Les arguments ne manquent pas. Ce point de vue s’appuie aussi sur une observation simple de nos performances de croissance depuis 2007. La zone euro n’a toujours pas retrouvé le niveau du PIB de fin 2007 ; et ce pessimisme gagne aussi peu à peu les États-Unis, qui en dépit d’une meilleure gestion de la crise constatent que le PIB navigue durablement sous son potentiel et s’interrogent sur sa possible érosion.
Et plutôt que de chercher nos points de croissance perdus avec les dents, on peut se demander si la France ne devrait pas d’abord s’adapter avec fatalisme à une situation dont les causes lui échapperaient largement et sur laquelle ni les agents privés, ni les agents publics n’auraient prise.
On comprend aisément l’attrait d’un tel positionnement qui renvoie dos à dos, les tenants du volontarisme, de l’offre ou de la demande :
Ceux qui entretiennent l’illusion qu’une politique de l’offre aurait vocation à stimuler la croissance rapidement. Autrement dit ceux exigent des entreprises des contreparties immédiates en termes d’emploi et d’investissement aux avantages fiscaux qui leur sont consentis, alors même que rien ne les y incite puisque la demande n’est pas au rendez-vous.
Ceux qui, inversement, prétendent relancer la machine par une impulsion sur la demande sans tenir compte du fait que notre balance des transactions courante est lourdement déficitaire.
S’adapter, cela signifie:
1/ que le gouvernement prend acte du fait que dans un monde sans croissance et sans inflation, le marché ne croît pas. Le développement de l’économie française ne peut jouer que sur deux leviers : les parts de marché et la croissance externe par prise de contrôle d’autres entreprises. Les profits d’aujourd’hui, sont les parts de marché et l’investissement direct de demain et au mieux les minijobs d’après-demain, pour les salariés victimes des restructurations. Rien d’enthousiasmant. Au mieux, une stratégie du moindre mal qui n’ajoute pas à la peine du marasme mondial celle du décrochage hexagonal.
2/ Cela signifie aussi que le gouvernement intègre cette nouvelle donne dans sa planification budgétaire. Avec une croissance nominale plus proche de 0-1 % que des 3-4 % précédemment prévu lors du précédent programme de stabilité 2014-2017, cela veut dire que les pertes de recettes sont considérables et que le déficit budgétaire se creuse spontanément de 1 à 1,5 point de PIB supplémentaire tous les ans, s’il ne gèle pas la dépense. Un contexte qui favorise la dérive de la dette publique puisque ce n’est plus un déficit de 2-3% qui stabilise le ratio d’endettement mais un déficit de moins de 1%. Autrement dit, s’adapter conduit le gouvernement à donner un nouveau tour de vis en termes de rigueur budgétaire.
Cela veut dire aussi que les entreprises doivent intégrer cette nouvelle donne de croissance dans leur planification stratégique.
L’ennui, lorsque l’on additionne toutes ces stratégies raisonnables en apparence, c’est qu’elles alimentent et gravent dans le marbre le potentiel de croissance zéro, transformant cette nouvelle croyance en prophétie auto-réalisatrice. Le long terme est aussi le fruit de l’enchainement du court terme. S’adapter, c’est aussi fabriquer la croissance zéro.
Olivier Passet, Faut-il s'adapter à la croissance zéro ?, une vidéo Xerfi Canal
Publié le lundi 8 septembre 2014 . 3 min. 55
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