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Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi

L'euro flirte ces derniers jours avec les 1,40 € par rapport au dollar. 15 % au-dessus de ses points bas de la mi-2010. Cette évolution est inquiétante à plus d'un titre.
D'abord parce que dès que la zone euro va mieux, l'euro s'apprécie. Et l'histoire récente a montré que beaucoup de reprises avaient été tuées dans l'oeuf ou simplement freinées par ce phénomène pervers. Une zone euro qui accumule aujourd'hui les excédents courants et dont la banque centrale contracte son bilan. Plus d'excédents, moins d'émission d'euros. Les conditions sont réunies pour une valorisation de l'euro, quand toutes les autres régions du monde jouent le dumping monétaire.

Une hausse qui fait ensuite partir en fumée les efforts consentis par les économies du sud. La déflation salariale se dissout en définitive dans la hausse du change. Alors que la stabilisation du Sud tient entièrement à l'embellie des exportations extra-européenne. Et c'est une véritable boucle déflationniste qui se me met en place dans la zone euro. La modération des salaires renchérit le change et le renchérissement du change induit en retour un nouveau train de déflation salariale. La machine déflationniste est en marche.

C'est au bout du compte toute la stratégie de restauration financière de la zone qui pose question. Car la stratégie de l'euro fort parachève l'évolution de la zone comme base d'exportation vers le reste du monde et l'extension toujours plus poussée de la logique d'une économie de bazar sous tutelle industrielle allemande.

Que voit-on aujourd'hui ? Le sauvetage de l'euro se fait au prix d'un sacrifice du marché intérieur, une évolution aux antipodes du projet initiale :

Le marché intérieur s'appauvrit et son atonie provoque des ravages dans le tissu des entreprises à débouché local. Exporter hors zone ou mourir. C'est la dure réalité de la zone ou seules les entreprises à vocation internationale tirent leur épingle du jeu. Révélateur de cela les niveaux de production industriels. Entre 15 et 30 % inférieurs à leurs niveau d'avant crise, en Espagne, en Italie, ou en France. Inférieurs alors que les exportations hors zone surplombent partout leurs niveaux d'avant crise et que celles à destination du marché intérieur restent nettement en deçà et décélèrent encore. Le redéploiement productif du centre et de la périphérie  vers la demande extra-européenne, génère de fait une croissance molle et un positionnement de gamme médiocre sur une période qui peut être longue.

Nous avons déjà plusieurs fois évoqué ce nouveau design de l'espace européen en plateforme d'exportation en dehors de l'Union. La périphérie y a vocation à exporter des biens de gamme moyenne et à sous-traiter à faible coût pour le c?ur industriel. Et cette évolution s'opère au détriment de l'emploi, du pouvoir d'achat et de la consommation collective. La concurrence fiscale et salariale de la périphérie est en définitive au service d'une expansion off-shore de l'Europe. Ce qui est visé, via cette évolution, c'est le potentiel de consommation d'une classe moyenne émergente en pleine croissance.  Une évolution qui se fait au détriment des revenus de la classe moyenne eropéenne.

A ce jeu, l'Europe mercantiliste accumulera des excédents, mais n'aura en définitive ni croissance ni emploi. Et c'est la pérennité même de ce régime de croissance qu'il faut alors questionner. Car chaque région, à vouloir être le passager clandestin de la croissance mondiale, risque au final d'étouffer l'essor des classes moyennes émergentes, c'est-à-dire, notre dernier espoir de débouché mondial.

Olivier Passet, Flambée de l'euro : la rigueur carbonisée, une vidéo Xerfi Canal


Publié le mardi 05 novembre 2013 . 3 min. 48

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