La France ne jouera pas la partition de la rigueur budgétaire en 2024. Ou disons plutôt qu’elle ne la jouera qu’en trompe-l’œil. La fin graduelle des dispositifs de soutien au pouvoir d’achat et aux PME est bien mise en affichage, avec à la clé 22 milliards d’économie. Mais en vérité, les économies opérées seront largement rebasculées sur d’autres postes de dépense. En faveur de la rénovation thermique, le transport vert, l’innovation, etc., mais aussi en faveur des grandes fonctions régaliennes. Le gouvernement joue ainsi la montre. Et après un budget qui a bien protégé la demande en 2023, il n’appuiera pas sur le frein, esquivant le plus longtemps possible les injonctions bruxelloises.
Rigueur homéopathique
Ne prenant pas toute sa part à la rigueur et au désendettement de la zone, l’économie française se place, comme souvent, en passager clandestin de l’orthodoxie financière de l’Europe : profitant de la baisse des taux d’intérêt, sans en payer le prix en termes de demande. Elle ajoute à cela un second dividende. En retirant les différents boucliers qui avaient permis de contenir son inflation mieux que les autres pays européens jusqu’ici, elle peut espérer que la baisse des taux se produira dans un contexte de désinflation domestique plus lente que dans le reste de la zone euro : une combinaison favorable du point de vue des taux d’intérêt réels, qui pourraient de ce fait demeurer proches de zéro. Une situation qui permet de contenir le risque du surendettement public français.
Et de fait, la rigueur budgétaire homéopathique de la France combinée aux soins qui ont entouré de façon prolongée la consommation commence à être bien visible. Comme souvent, alors que la croissance européenne s'essouffle, l’économie française résiste mieux que la moyenne, amortissant la récession. Ce décalage est maintenant manifeste depuis l’été 2022. C’est un constat qui ne conduit à aucun triomphalisme. Car en retardant la récession, la France risque aussi de retarder la reprise, de s’empêtrer dans un ajustement budgétaire interminable, au détriment de sa croissance potentielle et de sa dette.
Les atouts de la France
Ce discours fataliste sur la préférence à courte vue de la France pour la consommation doit pourtant être nuancé. Car la France n’aborde pas la séquence qui s’annonce avec les mêmes vulnérabilités qu'auparavant. Sa dette publique n’a pas seulement servi à stimuler la consommation. Depuis 2010, la France a plutôt stabilisé et réduit son écart de consommation avec le reste de la zone euro, notamment avec l’Allemagne, ne jouant plus le rôle de locomotive du marché. La hausse de la dette a été compensée par des baisses d’impôt sur les entreprises et des allègements permanents de charges sociales, qui ont grandement contribué à la normalisation des coûts unitaires, notamment par rapport à l’Allemagne. La neutralité budgétaire à venir signifie un retrait des dispositifs de soutien directs à la consommation et leur conversion en dépenses de soutien à l’offre (infrastructures, soutien à l’investissement, renforcement des capacités publiques) dans une perspective à long terme. Enfin, l’économie française aborde les mois à venir avec un écart d’inflation qui lui a été favorable et qui demeure favorable à sa compétitivité, et surtout avec un risque d'inflation salariale modéré. De ce point de vue, l’économie française dispose de plus d'atouts que lors de précédentes récessions pour rejoindre la reprise européenne lorsqu'elle se dessinera.
La stratégie d’attente en matière de rigueur fait sens dans ce contexte. Si la politique de l’offre des 10 dernières années a généré de la dette, c’est bien son retour en termes de croissance, souvent différé, qui devrait en théorie en assurer le remboursement. À la patience prônée par les partisans des politiques de l’offre concernant les résultats devrait logiquement répondre la même patience sur le front du désendettement.
Publié le mardi 17 octobre 2023 . 4 min. 29
Les dernières vidéos
Politique économique
Les dernières vidéos
d'Olivier Passet
LES + RÉCENTES
LES INCONTOURNABLES