La pédagogie de l’offre du président Hollande
Publié le jeudi 9 janvier 2014 . 4 min. 08
Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi
Certains commentateurs ont voulu voir dans la déclaration de voeux du Président de la République, l'acte symbolique du ralliement socialiste à une politique de l'offre, ou du moins l'aveu assumé du tournant opéré par le gouvernement depuis plusieurs mois. Les grands termes du repositionnement étaient certes déjà connus. Mais la concision du rituel des voeux lève toute équivoque sur l'armature idéologique qui guidera l'action gouvernementale dans les années à venir :
- Premièrement une baisse des charges sur le travail ;
- Deuxièmement, une baisse à plus long terme des impôts pour tous ;
- Troisièmement, un reflux de la pression fiscale adossée à une réduction de la dépense publique ;
- Quatrièmement, un choc de simplification.
Chaque mot étant pesé, il faut d'abord inférer de cela que la mise à plat fiscale, qui restait jusque-là un concept assez flou, a bel et bien une ambition systémique. Si l'on en croit la formulation présidentielle, l'objectif final de ce grand chantier est de baisser à terme l'impôt. Ce point est important, car des doutes importants subsistaient en la matière. Simple toilettage simplificateur? Restructuration des assiettes et des taux dans un jeu à somme nulle ? ou Repositionnement, redimensionnement de l'Etat et du prélèvement qu'il exerce ? C'est bien cette troisième orientation, la plus ambitieuse et nécessairement étalée dans le temps, qui l'emporte.
Dans le discours présidentiel, les enjeux d'efficacité l'emportent sur ceux d'équité, même si les deux dimensions ne sont pas nécessairement antinomiques. Le Président a placé au coeur de sa démonstration la baisse du coût des facteurs pour les entreprises, la réduction du coût de l'État et pointé certains abus de la protection sociale. Il fait de la baisse conjuguée des charges et de la dépense publique, le creuset de la croissance l'emploi. A travers le pacte de responsabilité, les entreprises sont désignées comme l'acteur décisif de la relance des embauches. Et les gains futurs de pouvoir d'achat, la résorption des inégalités sont présentés comme la résultante de la dynamique de l'emploi. Cette séquence causale, qui part de la baisse du coût du travail, pour aller vers l'emploi, puis l'amélioration du bien-être est au fond très classique, pour ne pas dire néo-classique.
Je pourrais, à l'instar de grands nombre de commentateurs, stigmatiser le flou de la ligne présidentielle : quelles baisses de charges ? Quelles baisses de dépenses publiques ? Quel rythme ? Quelle ampleur ? Et c'est vrai que le discours ne fournit aucune information concrète en la matière. Mais il faut aussi admettre que les v?ux présidentiels n'ont pas vocation programmatique et que la méthode concertée n'invite pas à verrouiller le débat a priori.
Mais la vraie lacune n'est pas là. Endosser une politique de l'offre, habiter une stratégie de long terme c'est bien plus que de se présenter en cost-killer de l'État. On attend du chef de l'État qu'il bâtisse un discours positif autour du repositionnement de l'État, des fonctions prioritaires, de la montée en gamme de l'offre publique. Baisser la voilure en terme d'assurance sociale ce n'est pas la même chose que de développer un État plateforme, exploitant toutes les potentialités du numérique, et éliminant par une programmation des fonctions récurrentes les redondances et files d'attente. Qu'il crédibilise aussi ses intentions en évoquant les coûts et les compétences nécessaires à toute restructuration. Car c'est bien par une redéfinition des process, une exploitation exemplaire des technologies que l'état gagnera en productivité.
Il manque aussi une véritable projection volontariste de l'offre de demain. Sur quel type d'excellence et de savoir-faire l'État entend-il mobiliser les énergies. Il ne s'agit pas pour l'État de substituer aux entreprises, mais fautes de représentations positives, et à force de délivrer des postulats macro-économiques désincarnés sur le lien supposé entre coût du travail et emploi, les citoyens sceptiques peuvent à juste titre suspecter que les profits d'aujourd'hui, feront les hyper-riches de demain et les inégalités d'après-demain.
Olivier Passet, La pédagogie de l'offre du président Hollande, une vidéo Xerfi Canal
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