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Matraquage fiscal et le risque de sanction par les marchés, c’est la grande peur qui entoure le programme du nouveau front populaire. Mais avant de se lancer dans l’examen des moyens et de leurs effets, interrogeons-nous sur le diagnostic et les fins qui sous-tendent ce compromis. Pour dire les choses sommairement :


• La France est confrontée à une triple urgence, sociale, écologique et industrielle qui exige de mobiliser des ressources financières pérennes.
• Le marché et la finance se sont révélés inefficaces en matière de réorientation industrielle et climatique de l’économie ; c’est donc à l’État d’être le maître d’œuvre de ces transformations.
• La sous-valorisation des salaires, en bas de l’échelle, démobilise le travail et pénalise in fine les entreprises aussi bien en termes de débouchés que de recrutement.
• Le recours disproportionné à la dette a pour première cause la sous-imposition du capital et de ses détenteurs.


Bref, pour que l’État soit moins submergé financièrement par l’urgence sociale et puisse réorienter ses dépenses sur l’investissement, social, écologique, industriel, il faut que les entreprises en fassent plus en matière de distribution primaire du revenu.


Planification


Face à cela, quels sont les principaux leviers d’action proposés ? D’abord, celui de la planification industrielle et écologique, avec plusieurs axes : l’indépendance stratégique sur les domaines des semi-conducteurs, des médicaments, des technologies de pointe, de la voiture électrique, des panneaux solaires ; la structuration de filières françaises et européennes dans le renouvelable, de l’amont à l’aval. Avec une priorité concernant l’éolien en mer. L’objectif de sortie du nucléaire de LFI est abandonné.


Deuxième levier, l’investissement public, avec un gros plan de construction : logement social et isolation thermique notamment. Avec aussi un renforcement des capacités de la santé et l’éducation par plus de postes, plus de rémunérations et moins de déserts administratifs.
Troisième levier, réformer la finance et la gouvernance d’entreprises : par la création d’un pôle public bancaire associant la CDC et la BPI, dédié aux besoins sociaux et environnementaux ; par zéro financement bancaire des énergies fossiles ; par l’augmentation des réserves des banques pour faire face aux risques climatiques ; par l’incorporation d’un tiers de salariés dans les conseils d’administration ; par le conditionnement des aides aux entreprises au respect de critères environnementaux et sociaux.


Augmentation des bas revenus


Quatrième levier le plus médiatisé : booster l’offre de travail et la consommation en revalorisant les bas revenus. Avec notamment une revalorisation de 14% du SMIC, une hausse de 10% du point de la fonction publique, l’alignement du minimum retraite (dit contributif) sur le SMIC, l’indexation des salaires sur l’inflation ou la suppression de la taxe Macron de 10% sur l’énergie… et bien sûr la retraite à 60 ans.


La facture est très lourde. Pour l’État d’abord, avec un flou sur le chiffrage et le timing : pour y répondre la coalition revendique un financement par l’impôt… Les majorations étant concentrées sur les plus hauts revenus et patrimoines : progressivité accrue de l’IR au-dessus de 4 000 euros de revenu ; progressivité de la CSG ; rétablissement et élargissement de l’ISF ; cotisations sociales sur les dividendes, les rachats d’actions, l’épargne salariale, la participation. Deuxième cible : les grands groupes, avec une taxation des superprofits, (IAA, grande distribution notamment et plus au plan européen). Enfin quelques taxes écologiques résiduelles, notamment sur le kilométrage des produits importés.


Un pari à 50 milliards d’euros


Côté entreprise, c’est d’abord un choc salarial, avant d’être fiscal, puisqu’il y a statu quo sur l’IS et les impôts sur la production. Elles doivent néanmoins compter avec une hausse graduelle des cotisations vieillesse et la taxation au moins partielle des heures supplémentaires. Conscient du risque de fragilisation des PME, le nouveau Front ouvre la possibilité d’une modulation selon le type d’entreprises, d’une protection de la sous-traitance, et d’un accompagnement financier des TPE/PME.


Face à ce programme, toujours la même controverse historique. Soit la volonté initiale s’étiolera dans le jeu des compromis entre les 50 nuances du nouveau Front. Soit l’intention de rupture initiale viendra se désintégrer sur le mur de l’argent et de la compétitivité. Sans entrer dans ce débat trop rabâché, s’il fallait retenir une seule question c’est celle-ci : dans un contexte historiquement tendu des finances publiques, plus d’impôts fait-il plus de rentrées fiscales ? L’intention de financer le modèle français par de l’impôt équitable est louable. Mais augmenter la part des salariés rémunérés au SMIC, cela réduit le rendement des cotisations sociales quasi inexistantes à ce niveau de salaire, augmenter la masse salariale c’est diminuer les entrées d’IS ; taxer le capital, c’est taper sur l’assiette la plus volatile. Bref, miser sur 50 milliards de rentrées fiscales immédiates est héroïque. Et se louper sur ce pari, aujourd’hui et maintenant, une erreur qui ne pardonne pas.


Publié le lundi 24 juin 2024 . 5 min. 53

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