Ne partons pas bille en tête sur le caractère financièrement insoutenable du programme économique du RN. C’est le parti-pris habituel des commentateurs et à vrai dire, il pourrait s'appliquer à la plupart des programmes qui misent d’abord sur leur succès pour s’autofinancer. Demandons-nous d’abord ce qui est prioritairement visé dans ce programme aux allures de souverainisme social. Le cœur de cible symbolique du RN, ce sont les petits et les moyens revenus, côté ménages, les petites et moyennes entreprises côté offre. Avec deux priorités qui structurent la politique économique : le pouvoir d’achat, l’entrepreneuriat.
Question subsidiaire, aux dépens de qui et de quoi se bâtit cette politique… du moins en apparence ? Des grandes fortunes, des grandes entreprises, du climat, des étrangers, de l’Europe, du long terme. Cela a le mérite d’être simple et de prendre à contre-pied l’imaginaire macronniste soupçonné de s’intéresser en priorité aux premiers de cordée (champions du CAC 40, start-up nation, détenteurs de patrimoine, etc.), et de sanctionner les chômeurs, les carrières longues et pénibles, les décrochés du système. Il faut mettre cependant beaucoup de conditionnel à ce programme non stabilisé encore. L’écart risque d’être significatif entre ce qui est proposé et ce que permettra la contrainte budgétaire très tendue du moment ; et surtout l’état du droit constitutionnel, de nombreux dispositifs risquant de buter sur le principe d’égalité devant la loi.
Soutien ciblé sur le pouvoir d’achat et stratégies pour stimuler l’offre
Le soutien au pouvoir d’achat, notamment au bas et au milieu de l’échelle, devrait passer a priori par plusieurs leviers :
1. la baisse de la TVA sur l’énergie et les produits de première nécessité ;
2. la suppression des charges sociales sur les augmentations de salaires, jusqu'à 10% pour les rémunérations inférieures à 5 000 euros par mois ;
3. la suppression de l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans ;
4. une priorité d’accès à l’emploi public et au logement pour les citoyens français ;
5. l’abolition quasi-intégrale des droits de succession sur les classes moyennes et les classes populaires ;
6. une sortie du marché européen de l’électricité pour faire bénéficier le consommateur du coût national de production ;
7. l’abolition de la redevance avec la privatisation de l’audiovisuel public ;
8. enfin, même si la retraite à 62 ans n’est plus mise en avant, on peut supposer qu’un geste sera fait en direction des carrières longues, ceux ayant commencé à travailler avant 20 ans.
Côté offre, la cible est le petit patron : avec une baisse des impôts sur la production, centrée sur les PME, TPE ; un allègement des impôts sur les transmissions d’entreprises ; une exonération d’IS durant 5 ans pour les jeunes entrepreneurs ; un accès prioritaire aux commandes publiques françaises pour les entreprises nationales, doublé d’un grand flou sur d’éventuelles autres mesures protectionnistes.
L’illusion d’un programme favorable aux classes moyennes
Sur le papier, le RN prétend taxer d'abord le haut de la pyramide des revenus et de la richesse : impôts sur les superprofits des entreprises et sur le patrimoine financier des ménages (incluant les assurances-vie et autres placements). Tout cela étant doublé d’une lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. Le parti ne s’encombre pas non plus d’un cahier des charges environnemental contraignant : jamais ne sont évoqués la sortie des énergies fossiles ou la neutralité carbone ; l’écologie version RN met le cap sur le nucléaire de nouvelle génération ou l’hydrogène et torpille les énergies renouvelables avec un refus de construction de nouvelles éoliennes et le démantèlement du parc existant. C’est aussi une renégociation de la contribution française à l’UE et le refus de nouveaux impôts européens. C’est l’exclusion des étrangers ayant travaillé moins de 5 ans en France de certaines prestations sociales et la limitation de l’immigration.
Ce programme est-il aussi favorable aux classes moyennes qu’il le prétend ? Non. Les grosses fortunes immobilières, les hauts revenus énergivores y trouvent leur compte notamment. Est-il bien financé ? Non. Joue-t-il le présent au détriment du long terme ? Oui. Regorge-t-il de faux cadeaux fiscaux déjà largement entérinés (notamment sur les transmissions) ? Oui. Est-il blindé du point de vue constitutionnel ? Non. Effraie-t-il vraiment les grands intérêts économiques ? Non. Sauf qu’il a l’apparence pour lui et les arguties d’experts contre lui, autrement dit la langue absconde d’une élite inaudible. S’aventurer sur le terrain de la déconstruction rationnelle est peine perdue. La pédagogie de la peur, du déclin et du « no alternative » utilisée par les gouvernements successifs depuis des décennies a fini par enfanter ce qu’elle devait enfanter. Un bras d’honneur qui ne se combat pas en quelques semaines. Pierre Veltz avait parlé d’économie désirable… seule antidote véritable aux convulsions de l’époque… mais cela ne s’écrit pas en 15 jours.
Publié le lundi 17 juin 2024 . 5 min. 27
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