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La crise constitue un extraordinaire révélateur des forces et des failles de l’État. L’urgence l’a replacé au cœur du jeu, dynamitant les dogmes. Et Face à un choc qui menaçait décimer les entreprises, de faire exploser le chômage et de plonger massivement la population dans la pauvreté, l’État a relevé le défi de la stabilisation économique.


Du point de vue financier la démonstration d’efficacité est indéniable. La vitesse de réaction n’a pas de précédent. La mobilisation des aides fléchées sur les entreprises et du système bancaire ont porté leurs fruits. Plus de 200 milliards ont été débloqué en un temps record pour sauvegarder de la trésorerie des entreprises, évitant des défauts de paiement en chaîne.


La pertinence des choix de dépense n’a presque pas fait débat. Tant les cibles névralgiques étaient évidentes : 1/ le sauvetage de l’emploi via le chômage partiel ; et lorsque l’on compare la baisse du volume d’heures de travail mobilisées en 2020 (-9,1%) à la baisse de l’emploi (-1,1%) on prend la mesure du séisme qui a été évité. 2/ Le fond de solidarité, pour prévenir l’asphyxie des TPE et des indépendants à l’arrêt face à leurs charges fixes;  3/ Un moratoire sur les échéances sociales et fiscales ; à quoi s’ajoutent les 133 milliards du PGE. Résultat, en moyenne les entreprises ont plus de cash aujourd’hui qu’avant-crise ; Un cash, qui leur permet de lisser le choc. Et cette mise sous perfusion a préservé par ricochet le revenu disponible des ménages. Ce dernier a même progressé  de 1,1% en 2020, en total déconnection de la perte d’activité abyssale de l’économie. C’était le but recherché, et il est bien là. Une réactivité qui permet de préserver les ressorts d’un rebond lorsque prendront fin les restrictions. Certains diront que l’État a su s’endetter avec brio pour verser du revenu courant, et que ce géni est précisément le mal français. Mais c’est un faux débat. Il n’y avait pas d’alternative. Cette injection de cash, vite et fort  a sauvé du capital et ce distinguo entre revenu courant et investissement ne fait pas sens en temps d’urgence tant les deux sont intimement liés. D’ailleurs, en la matière le supposé mauvais génie français a été dépassé, à en juger par la croissance du revenu disponible des ménages ailleurs. Par l’Allemagne par exemple, par l’Europe du Nord et surtout par l’Amérique du Nord. A contrario, la France aurait tort de s’octroyer une médaille en termes de réactivité financière, tant ce talent a été bien partagé.


Mais au-delà de l’urgence c’est maintenant qu’entre en jeu l’État investisseur. La dette est bien là et avec elle surgissent les discours lénifiants sur cette fameuse croissance de demain qui nous permettra de l’éponger. C’est l’objet du plan de relance de 100 milliards sur deux ans adopté en décembre. Nous sommes là sur l’autre mythologie de l’État, qui à travers l’orientation de l’investissement, renforce le socle de la croissance potentielle et de la compétitivité. C’est ce que nous promet le bel empaquetage du plan de relance, où tous les mots clés de la transition écologique et digitale sont placés en devanture. Mais, précisément, sur ce terrain il est permis de douter. La transfiguration d’une économie ne se joue pas en deux ans. Elle nécessite des moyens soutenus dans la durée, un schéma d’ensemble qui désigne les technologies que l’on veut maîtriser, les segments de filière que l’on veut implanter sur le territoire, les partenariats que l’on veut créer, de telle sorte que la transformation devienne un facteur de rééquilibrage du commerce extérieur et d’enrichissement du contenu en emploi de la croissance. Or cette vision systémique de l’offre n’existe pas, et aucune compétence n’y est dédiée. Résultat derrière le mot investissement c’est un grand plan de soutien à l’aéronautique, l’automobile, le ferroviaire, la construction qui se dessine, sans aucun contrôle en termes d’importations induites, de bilan carbone hors frontière, d’indépendance technologique. Et si nos plans d’urgence évitent la destruction de capital, nos pseudo-plans Marshall sont en revanche des plans de soutien à la demande déguisés. 


Mais la vraie grande défaillance, c’est celle de l’État producteur, qui a révélé ses carences en termes d’anticipation, de commandite, de logistique, de coordination des acteurs, de réquisition. Masques, vaccins, prise en charge des malades, capacité à maintenir l’activité économique lors du premier confinement… à tous ces niveaux l’État a répondu aux abonnés absents. S’emparant du mot « guerre », sans jamais être capable d’instaurer la mobilisation d’exception correspondante. Une inertie qui tranche avec la démonstration d’Israël, des États-Unis ou même du Royaume-Uni, États entreprenants, quelques soient leurs carences, capables de mobiliser l’armée, les stades, les officines, les drive pour vacciner à grande échelle, capables d’anticiper en amont les enjeux productifs de la vaccination via des commandes de masse en amont. Avec l’exemple édifiant de Valneva, biotech française, qui a trouvé son soutien financier outre-Manche. 


Et in fine ce sont les contours de la réforme de l’État qui prend forme. Une réforme obnubilée depuis des années par une chasse au gaspi stérile est qui est passée à côté de l’essentiel : sa réorganisation, quoiqu’il en coute. 


Publié le mercredi 3 mars 2021 . 6 min. 19

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