Derrière le plan de relance, il y a une intention affichée. Investir, non pour reconduire l’économie d’avant crise, mais pour reconfigurer notre appareil productif. La France se serait dotée d’un formidable plan d’investissement sur deux ans, préparant les emplois de demain et d’après-demain sur le territoire. Voilà pour la déclaration d’intention. Nous ne sommes pas dans le schéma traditionnel de la relance par la consommation. En dépit de l’horizon de long terme revendiqué, l’argent n’en reste pas moins fléché. Et il atteint les acteurs économiques ici et maintenant. La cible de long terme n’exempte pas ce plan d’effets de court terme. Où vont les 100 milliards du plan de relance, dans quelles poches ?
Pour un plan de relance classique, on peut supposer que la hausse de revenu des ménages (qu’elle relève d’une baisse d’impôts ou d’une hausse des transferts) sera très majoritairement transformée en consommation supplémentaire, et que les secteurs en bénéficieront au prorata de la structure de consommation des ménages. Pas de façon homothétique bien sûr. Ce seront les postes arbitrables qui seront les plus impactés à la marge : l’équipement domestique ou informatique, l’automobile, les dépenses récréatives, de soin, de restauration, de tourisme, etc., plus que les dépenses de première nécessité ou les dépenses contraintes. Avec in fine un fort contenu en importations qui affaiblit la portée de l’impulsion.
Transferts aux entreprises, soutien à l’emploi et aides sociales aux ménages : 36 Md€
Nous ne sommes pas ici dans ce cas de figure. Ce que nous dit le gouvernement en l’état, c’est que 30 Md€ vont à l’écologie, 34 à la compétitivité et 36 à la cohésion… Ce découpage ne nous dit pas grand-chose sur les destinataires de la manne publique. En première lecture, on pourrait se dire que 64 milliards vont aux entreprises (écologie et compétitivité) et 36 aux ménages. C’est faux. Et d’ailleurs, ce partage entreprises/ménages est très difficile à manipuler. Le chômage partiel par exemple, est-il un soutien aux entreprises ou aux ménages ? Les deux, bien sûr.
Il faut bien sûr tenir compte de cette ambivalence lorsque l’on cherche à flécher les 100 milliards du plan de relance. Sur cette masse, ce que l’on peut dire c’est que :
• 23 milliards sont des transferts aux entreprises. Il y a d’abord les 20 milliards de baisses d’impôt sur la production. L’usage de second tour de ces 20 milliards est un incertain : masse salariale, investissement, dividendes ? Difficile à dire. Mais dans le contexte actuel, on peut supposer que cette baisse d’impôt va surtout permettre de temporiser les destructions d’emploi et les défaillances… Une partie peut donc bénéficier aux ménages. À quoi il faut ajouter les aides en fonds propre en faveur des TPE PME et entreprises individuelles pour 3 Md€.
• Deuxième catégorie les aides à l’emploi dont nous avons souligné le caractère ambivalent : elles vont apparemment en grande partie dans la poche des entreprises, mais elles sont aussi un soutien au revenu des ménages… lorsqu'on met bout à bout les différents dispositifs financés par le plan de relance, entre le chômage partiel longue durée, les subventions à l’emploi et à l’alternance, les différentes formes d’emploi aidé, et l’augmentation des moyens dédiés à pôle emploi (dont on peut supposer qu’ils se traduiront en moyens humains supplémentaires au sein des services de l’emploi), on approche les 12,5 Md€. Et si l’on se focalise maintenant sur les aides sociales directement fléchées sur les ménages, le plan de relance y consacre moins d’un milliard.
• Toutes les autres dépenses, dernières finalités affichées ambitieuses, vont pour l’essentiel soutenir les marchés de certains secteurs. Par exemple, le volet santé, ou cohésions territorial recouvre essentiellement des dépenses en BTP et plus marginalement en équipement numérique.
64 Md€ pour doper la demande adressée aux entreprises
Une fois que l’on a éliminé les transferts aux entreprises, le soutien à l’emploi et d’aides sociales aux ménages, dont on ne connait pas l’affectation finale, il y a alors 64 milliards qui sous des rubriques diverses et variées vont doper les marchés des entreprises en place selon la nature des dépenses qui sont activées :
• Au premier rang des secteurs bénéficiaires, et de loin, le BTP. Que ce soit sous le motif de développer les mobilités vertes (à travers la construction de pistes cyclables, la construction de nouvelles infrastructures ferroviaires ou de routes par exemple) ou que ce soit sous le motif d’accroître les capacités médicales, ou encore sous celui de rénover les commerces de centre-ville. C’est bien la construction et le génie civil qui en bénéficient. Et ce sont près de 30 milliards qui viendront gonfler les commandes de ce secteur in fine.
• Si, dans le même esprit, je cherche à ventiler les multiples rubriques du plan de relance, les secteurs des biens d’équipement et des technologies de l’information sont le second plus grand bénéficiaire, avec 5,9 milliards pour le numérique (hard et soft), 5,6 milliards pour les biens d’équipement et technologies vertes. Vient ensuite la R&D industrielle (5,8 Md€), puis l’automobile et l’aéronautique (5,5), le secteur de la formation (3,6) et enfin la recherche et l’enseignement (près de 3 mds)… Le reste est du saupoudrage.
Bref, le grand plan de modernisation est aussi un bon vieux plan classique de relance par le soutien à l’emploi et la construction.
Publié le lundi 19 octobre 2020 . 5 min. 44
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