Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi
L'engagement de François Hollande en faveur de l'offre a été salué par les milieux économiques. Le pari de l'adhésion populaire est en revanche beaucoup plus risqué. Adosser la reconquête de l'emploi sur celle des parts de marché et sur le renforcement du tissu productif est nécessairement un processus de longue haleine.
C'était toute l'ambiguïté de l'objectif d'inversion de la courbe du chômage claironné jusqu'ici. Énoncé comme un objectif prioritaire, il comportait toute une série de corollaire. Quand la politique économique se résume à la seule politique de l'emploi, elle relève en effet bien plus d'une politique de soutien à la demande que de soutien à l'offre. Car vouloir obtenir des résultats rapides sur l'emploi amène à privilégier certains leviers. Cela conduit notamment à privilégier les dispositifs de baisse de charge ciblés sur les bas salaires. C'est sur cette cible en effet que l'emploi est le plus réactif à bref délai. L'impact immédiat sur le volume de travail peu qualifié se double de surcroît d'un effet positif sur les salaires. Car les secteurs bénéficiaires sont aussi les moins exposés à la concurrence et une large fraction de la baisse des charges est reversée en hausse de salaires. C'est ce que l'on a constaté lors des précédents abattements de charges programmés depuis 20 ans. Si les pouvoirs publics amplifient de surcroît le mouvement par des dispositifs d'emploi aidé, l'emploi et les revenus sont rapidement au rendez-vous. Et dans leur sillage la consommation. Au final, soumise à ce type de traitement, une économie combine emploi, revenu, accélération de la croissance par la demande et baisse du chômage. Dans le délai qui est à-parti au président, c'est de loin l'arbitrage politique qui comporte le plus fort rendement électoral.
L'ennui de ce type de potion, c'est qu'elle guérit les symptômes sans soigner le malade. La hausse de l'emploi ankylose les secteurs les moins productifs. Le contenu en emploi de la croissance augmente, mais en faveur des moindres qualifications et au détriment de la productivité. Au détriment aussi des comptes publics qui se consument dans le soutien au travail peu qualifié et aux secteurs peu exposés. Le choc de demande fait illusion mais il se bâtit sur un choc d'offre négatif et un déséquilibre croissant des comptes courants. Le coût pour la collectivité est accru par le fait que l'Etat se doit d'aménager des niches fiscales pour les secteurs exposés qui sont les perdants de la politique de l'emploi : un IS gruyère, le crédit d'impôt recherche par exemple en France.
Une politique de l'emploi axée sur l'offre, celle pour laquelle a opté le président Hollande, transite au contraire par des chaines de transmission plus longues. L'emploi se rétablit au rythme forcément lent, celui de la reconstitution des capacités productives. Mais c'est aussi le prix à payer pour renforcer durablement la croissance potentielle en l'adossant à des marchés élargis et à des spécialisations à forte valeur ajoutée. Pour renforcer également la soutenabilité financière de la croissance.
Certains ont comparé l'accélération de François Hollande à l'agenda 2010 de Gerhard Schröder. Un agenda qui fut lancé en 2003, après un premier mandat de relatif immobilisme sur le plan économique, marqué par une certaine libéralisation des m?urs et assombri par plusieurs scandales. Un agenda qui a valu à son instigateur une très forte impopularité et un échec à la chancellerie en 2005. Un agenda dont l'Allemagne a récolté les fruits ensuite à partir de 2006 et surtout durant la crise. Pour François Hollande, le timing est serré. G. Schröder a perdu son pari. François Hollande, lui, dispose d'à peine un an de plus pour gagner le sien.
Olivier Passet, Politique de l'emploi ou de l'offre : Hollande doit choisir, une vidéo Xerfi Canal
Publié le mardi 28 janvier 2014 . 3 min. 53
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