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Macron a beaucoup communiqué, voire sur-communiqué, sur son audace réformatrice, sur sa révolution, sur le rythme qu’il voulait imposer contre vents et marées. Et à la place de cela, qu’a-t-on vu. De grosses lois, pleines de tiroirs, qui donnent un sentiment d’essaimage et de faible lisibilité :

 
• à l’instar la loi PACTE ou même des ordonnances travail, dont on tarde à percevoir les effets et les contours ;
• un grand plan d’investissement, qui pour l’essentiel consolide des enveloppes déjà existantes, ficelle bien connue ;
• des chocs fiscaux, notamment sur le capital, qui n’ont de choc que le nom, tant Bercy s’échine à en minimiser l’impact budgétaire. Baisser l’impôt, sans que cela coûte ;
• une baisse de la fiscalité des salariés, qui ruse avec les effets de calendriers, et qui se dilue dans les mille petites contre-mesures destinées tenir le cap du déficit.

 
Bref, il y a beaucoup d’essaimage, peu de lisibilité, et peu de moyens budgétaires mis aux services des réformes. C’est une version certes. Mais il y’a une autre façon de voir les choses. Et si Macron avançait masqué. Si derrière le saupoudrage, le fringant révolutionnaire poudre aux yeux mettait patiemment en place les pièces de son puzzle. S’il creusait discrètement les tunnels qui minent lentement mais surement le socle du modèle social hexagonal.

 

La stratégie du ver dans le fruit

 
Ce fut déjà le cas avec l’ouverture le dimanche des magasins. Les dérogations étaient relativement circonscrites dans la loi Macron 1 de 2015. Mais la concurrence entre grandes enseignes accélère le mouvement. Et les ordonnances travail, reviennent discrètement sur la question, au milieu du flot des articles, pour déverrouiller un peu plus.

 
Idem pour le chômage. D’un côté, sous prétexte de redonner du pouvoir d’achat aux salariés, on supprime les cotisations chômage salariales et on les bascule graduellement sur la CSG. Idem pour pérenniser le gain du CICE. Le gouvernement le transforme en baisse de charge, et diminue une fois de plus les cotisations chômage, patronales cette fois-ci, à proximité du SMIC. Ce faisant il casse le lien entre cotisations et indemnisation, et avec lui le principe selon lequel, les salariés sont assurés à hauteur du montant de leurs cotisations. Bref, c’est la philosophie assurantielle qui perd son socle. Peu étonnant que la suite soit de proposer une dégressivité et un plafonnement des indemnités pour les cadres. Peu étonnant que le gouvernement travaille dans le même temps à la consolidation des aides sociales : l'allocation adulte handicapé, le RSA, la prime d'activité, les aides personnalisées au logement (APL), l’ASS… L’objectif de protection sociale se recentre sur la lutte contre la pauvreté… s’éloignant de sa vocation assurantielle et universelle…Bref, le fameux modèle Bismarckien mord la poussière…

 
On pourrait encore parler de la retenue à la source. Comme le souligne Alain Trannoy, cette réforme, technique en apparence, ouvre la voie à d’autres réformes. D’abord, parce que baser l’impôt sur un revenu contemporain pousse à la simplification, car les réformes doivent être immédiatement applicables et compréhensibles. Parce qu’elle ouvre la possibilité d’une individualisation… qui elle-même fissure l’édifice complexe de la politique familiale… sans parler à terme de la grande fusion IR / CSG.

 
Derrière le saupoudrage, il se pourrait bien que Macron ne soit pas le révolutionnaire pressé qu’il prétend, mais joue plutôt, la stratégie du ver dans le fruit. Le fruit étant notre modèle social.


Publié le mercredi 26 septembre 2018 . 4 min. 07

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