Les publicités pour des programmes de formation des cadres 100% à distance inondent nos messageries : MBA online, certifications en management en ligne, classes virtuelles de renforcement du leadership ou en développement personnel… La crise pousse en effet les organismes à redoubler d’efforts commerciaux, que ce soit les écoles de commerce ou d’ingénieurs, les universités, les organismes spécialisés ou les plateformes de e-learning. Mais que vaut vraiment une formation 100% online ? La réponse n’a rien d’évident tant les rouages de l’apprentissage sont complexes et je me contenterai ici d’identifier 3 dangers du digital learning.
• Le 1er danger c’est l’ennui. Nous avons tous expérimenté les réunions Zoom ou Teams. Clairement, la visioconférence conventionnelle ne facilite pas les interactions si le nombre de participants est élevé. Et c’est pire encore lorsque se posent des problèmes de connexion Internet, de sons, de qualité d’image… Or, le questionnement est à la base de l’apprentissage tout comme d’ailleurs l’empathie du formateur qui ne peut plus desseller l’incompréhension ou l’étonnement sur les visages. En l’absence de questions, de réactions et donc d’interactions, la formation online devient d’un ennui redoutable pour l’apprenant qui finalement opte sinon pour l’abandon au moins pour la passivité. L’absence de moments de convivialité pour du réseautage ou d’échanges informels avec les enseignants finit par rendre le format 100% en ligne difficile d’accès.
• Deuxième danger : le manque d’engagement de l’apprenant. Un cadre ou salarié qui se forme seul chez lui n’est pas dans la situation d’un étudiant qui se consacre à 100% à ses études. L’apprenant adulte peut travailler en même temps qu’il se forme (comme le prouve d’ailleurs l’explosion de MBA en part time ou des programmes courts d’executive education de 1 à 4 jours). Il peut aussi avoir d’autres contraintes comme des responsabilités familiales ou être absorbé par des évènements extérieurs. Ce problème d’engagement se pose aussi lorsque la formation est gratuite, ce que permet le format numérique en introduisant les économies d’échelle. La gratuité a des effets délétères sur la motivation de l’apprenant qui a pu s’inscrire par un simple coup de cœur à la lecture d’un programme de formation. Dans ce cas, les risques d’attrition sont élevés.
• Le 3e risque porte sur la valeur réelle des formations proposées. En effet, la dématérialisation des programmes, parfois incontrôlée, a décloisonné les marchés nationaux de la formation des cadres, facilité l’accès à des formations prestigieuses, créant un risque de banalisation des diplômes ou certificats délivrés. De France, on peut accéder en quelques clics aux programmes d’executive education en ligne de la Harvard business school par exemple. Cette école propose —sur son propre site ou à travers des plateformes d’agrégation — des formations soit gratuites soit payantes de 300 $ à 50 000 $ où l’on peut apprendre les fondements du capital-investissement ou la création et la défense d’un avantage concurrentiel à un tarif plus avantageux qu’en présentiel. Harvard est loin d’être un cas isolé et les meilleures universités du monde, y compris les grandes écoles françaises, ont plongé dans le grand bain du 100% online, au risque parfois de brouiller leur positionnement-prix et de susciter l’incompréhension chez les anciens élèves et les futurs stagiaires.
En réalité, le futur des formations n’est ni dans le 100% physique ni dans le tout digital, mais dans un format hybride ou « phygital », car les outils numériques offrent un privilège exorbitant aux concepteurs de formations : celui des économies d’échelle. Nous ne sommes qu’au début de cette transition phygitale des formations et la crise a sans conteste donné un élan aux acteurs de l’executive education pour mieux marier les avantages des formats traditionnels et ceux du digital learning au service d’un apprentissage plus interactif et plus efficace.
Publié le mardi 18 mai 2021 . 4 min. 17
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de Philippe Gattet
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