« La maison brûle et nous regardons ailleurs » : On connaît la fortune de cette formule qui nous rappelle notre responsabilité quant au saccage de la planète et au pillage des ressources. Mais la question de savoir ce que nous pouvons faire et ce que nous devons faire pour sauvegarder la vie des générations futures se heurte vite à la question de notre liberté. Mais d’une part, dans quelle mesure sommes-nous responsables d’êtres humains que nous ne connaîtrons jamais? Et d’autre part, avons-nous encore toute liberté dans le choix de nos modes de vie et de consommation ?
C’est d’ailleurs l’une des multiples injonctions contradictoires auquel nous expose le capitalisme anthropocène. On nous assigne une forme de responsabilité à l’égard du vivant, tout en promulguant notre fondamentale liberté. Nous serions libres de choisir nos modes de vie et de consommation tout en devant agir de façon responsable. Si la liberté est un récit culturel dominant de la modernité, que signifie au juste être libre ? La liberté, on en parle, on l’exige même mais la réfléchit-on ? On ne cesse de nous parler de libération lorsqu’il faudrait plutôt parler de délibération, celle dont procède notre liberté d’agir. Car agir sans entrave ne signifie pas la même chose que se décider par soi-même. C’est pourquoi, il faut se départir d’une idée largement partagée selon laquelle la liberté signifierait le pouvoir de faire tout ce que l’on veut.
Pour comprendre ce qu’est la liberté, il est utile d’en rappeler les fondements, comme s’y s’emploie Olivier Boulnois dans un ouvrage magistral qui retrace l’histoire philosophique de cette notion. Quand on parle de liberté, on évoque en fait la liberté de la volonté ou le libre arbitre. Mais toutes les cultures n’ont pas cette idée d’une volonté qui s’autodétermine, idée qui s’est d’ailleurs construite au Moyen-Age.
La question de la liberté n’est pas à rechercher dans le fait de savoir si ce que nous faisons ou choisissons est déterminé par des causes qui dépendent ou pas de nous. La question est plutôt de savoir si nous sommes capables de dépasser nos pulsions et les passions possiblement dévastatrices. La liberté ne consiste donc pas tant à s’autodéterminer, qu’à refuser une servitude à l’égard de tout ce qui pourrait nous empêcher de nous épanouir.
C’est donc la vertu qui aiguillonne notre liberté. Être libre nous conduit à faire ce qui nous semble bon et non pas agir selon son bon plaisir. Être libre signifie désirer le meilleur en se conformant aux règles sociales. Cela signifie concrètement que c’est "l’éthique qui fonde la liberté, et non la liberté qui fonde l’éthique".
Olivier Boulnois, Généalogie de la liberté, Seuil, 2021
Publié le mercredi 8 juin 2022 . 2 min. 57
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