Les entreprises, et tout particulièrement les plus grandes, exercent de multiples métiers qui se distinguent par leur couple produit/marché, leurs technologies, les investissements et compétences mobilisées, leur environnement concurrentiel, leur modèle d’affaires et bien d’autres facteurs discriminants. Ces firmes sont ainsi amenées à segmenter leur organisation en différents domaines d’activité stratégique (des « DAS » ou business units en anglais), formant chacun un centre de profit disposant d’une certaine autonomie, doté de sa propre direction et d’une stratégie spécifique. Les grandes multinationales peuvent être ainsi organisées en plusieurs dizaines de business units.
Cette notion aurait été inventée en 1968 par à Fred Borch, président de General Electric en collaboration avec le cabinet McKinsey. Depuis, tous les leaders du consulting, et notamment le Boston Consulting Group, Arthur D. Little ainsi que Mickael Porter de l’université d’Harvard, ont développé des méthodes de segmentation stratégique matricielles pour optimiser l’organisation en business unit.
Il n’y a bien entendu pas de méthode parfaite de découpage organisationnel d’un groupe ou d’une entreprise en domaines d’activité stratégique. Cette segmentation est d’ailleurs pleine d’écueils.
• Il y a d’abord le risque de constituer des DAS trop petits, c’est-à-dire d’effectuer un découpage trop fin de l’activité, conduisant à limiter les possibilités de synergies et d’économies d’échelle. Par exemple, pour Danone, les DAS correspondent aux Eaux, aux Produits laitiers, à la Nutrition infantile, et à la Nutrition médicale, et non aux différentes marques dont le groupe dispose.
• A l’opposé, définir des DAS trop grands, qui ne respectent pas la spécificité de certaines activités, provoquera à terme des difficultés de direction et d’arbitrage en matière d’allocation de ressources.
• Évoquons aussi la menace d’une organisation en silos, avec des unités qui ne coopèrent pas, voire entretiennent des relations conflictuelles. Le découpage en DAS se révèle alors incompatible avec l’optimisation des synergies.
On l’aura compris, définir des domaines d’activité stratégique autonomes apparaît comme une opération indispensable mais extrêmement délicate.
Une fois la segmentation stratégique réalisée, c’est-à-dire les DAS identifiés, l’entreprise doit être en mesure de formuler une stratégie pour chacun d’eux, de décentraliser les décisions opérationnelles, et donc de prendre ces décisions en cohérence avec les enjeux spécifiques de chaque unité sans que cela n’affecte les autres.
Prenons ainsi l’exemple de Limagrain, 4e semencier mondial avec un chiffre d’affaires de 2,5 Md€, 10 000 salariés dont 2 000 chercheurs répartis dans plus de 50 pays. Ce groupe coopératif a aujourd’hui une activité très diversifiée : c’est le leader européen en « farines fonctionnelles », le numéro 2 français dans l’industrie boulangère, le 3ème en pâtisserie industrielle avec sa filiale Jacquet Brossard. Le critère central de segmentation des activités de Limagrain a été la proximité du groupe avec ses nombreux marchés, divers en termes de produits et d’implantation géographique. Le groupe s’est ainsi organisé en trois grandes familles de produits : semences de grandes cultures, semences potagères et produits céréaliers. Chacune de ces familles a été à son tour subdivisée en cinq sous familles, que nous pouvons considérer comme des DAS : Semences de grandes cultures, Semences potagères, Produits de jardin, Boulangerie-Pâtisserie et Ingrédients céréaliers. Chacune de ces business units est organisée autour de plusieurs sous-unités, au nombre de 12 chez Limagrain. Elles constituent des entités autonomes, avec des objectifs et des ressources propres pour mieux répondre aux attentes spécifiques de ses clients, prendre des décisions plus rapidement et ainsi s’adapter très vite aux évolutions du marché et de la concurrence.
Publié le mardi 14 novembre 2017 . 4 min. 15
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