Personne ne réussit 100% de ce qu’il entreprend. Lorsqu’une organisation rate le lancement d’un nouveau produit ou d’un service, et pour peu que son dirigeant admette cet échec, il essaie d’en tirer les leçons. Il réunit ses équipes – production, commercial, marketing, etc. – et ils réfléchissent aux causes de ce ratage. Et si c’est encore possible, aux façons de rectifier le tir. Les Anglo-saxons baptisent souvent cette procédure un « post-mortem ». C’est aussi ce que les militaires appellent un Retex, retour d’expérience. C’est un débriefing collectif, où chaque membre de l’équipe peut ainsi dire ce qui, selon lui, a été bien ou mal fait, ce qu’il regrette et ce qu’il referait. C’est un peu une autopsie du lancement raté. On voit souvent lors de ces débriefings monter au créneau des gens qui avaient soi-disant prévu l’échec, mais dont personne ne se souvient qu’ils aient dit quoi que ce soit.
Pour éviter ces « si vous m’aviez demandé… » et surtout pour éviter l’échec lui-même, Astro Teller, le patron de Google X, le laboratoire des projets fous d’Alphabet, a systématisé ce qu’il appelle un pré-portem.
On l’appelle ainsi par opposition aux « post-mortem », c’est-à-dire l’autopsie que l’on fait du projet qui a échoué. Parce qu’on est toujours très fort pour comprendre pourquoi on a échoué, une fois qu’on a échoué… mais qu’en général personne n’y a pensé avant. Le pré-mortem, c’est une autopsie anticipée. Il a été inventé par Gary Klein, le spécialiste des décisions intuitives.
Les pré-mortem que fait Astro Teller ont donc lieu quelques semaines avant le lancement d’un produit, quand tout est prêt. Il réunit de manière assez large tous les responsables concernés – et ceux qui seraient éventuellement concernés par un échec. C’est une sorte de brainstorming au scénario un peu singulier. Dans une ambiance très calme, très zen, il leur demande de fermer les yeux et de se placer six mois ou 1 an après le lancement, alors que tout ce qui était prévu dans le plan a été mis en oeuvre. Il leur demande de se projeter vraiment. Il leur dit : « Voilà, nous sommes en année N+1. Les ventes/ou l’adoption par les internautes/ou le taux d’ouverture, etc. sont deux fois inférieures à ce que nous espérions au moment du lancement, il y a un an. Prenez dix minutes pour rédiger une histoire succincte de ce ratage. Racontez, sans vous censurer, pourquoi le lancement a échoué. »
Il ajoute : « Aucune idée n’est débile, même la plus improbable. » De fait, il faut tenir compte de tout : le prix trop élevé, la publicité insuffisante ou qui n’a pas touché la bonne cible, l’insuffisante bande passante chez les utilisateurs quand l’appli est très sophistiquée, le distributeur qui n’a pas joué le jeu…
On liste tous les scénarios, toutes les causes possibles. Tous les doutes et les pressentiments peuvent ainsi être exprimés. Puis on débriefe, on évalue les probabilités de survenance de chaque scénario. Et ensuite, bien sûr, Astro Teller lance les mesures nécessaires pour qu’ils ne puissent pas se produire.
La leçon de cette histoire ? C’est que lorsqu’on lance un nouveau service, un nouveau produit, la meilleure manière de le faire vivre, c’est de le faire d’abord mourir !
Publié le mardi 26 mars 2024 . 3 min. 16
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