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Xerfi Canal présente l'analyse de David Targy, directeur d'études Xerfi-Precepta

Printemps 2011 : les médias braquent leurs projecteurs sur la nouvelle sensation de la Net- économie : Groupon. Fondée en 2008 par Andrew Mason, la société a réussi en peu de temps à séduire des millions de consommatrices à travers le monde. Et les investisseurs sont enthousiasmés par la croissance extraordinaire de l'entreprise. Voyez plutôt : de rien en 2008, Groupon passe à 1,6 milliard de dollars en 2011. Aucune start-up du Web n'avait fait mieux.

La proposition de valeur de Groupon est la suivante : adresser chaque jour des offres promotionnelles locales à une vaste base d'utilisateurs. Le bénéfice pour les utilisateurs est relativement clair, il l'est en revanche moins pour les commerçants locaux. Certes, Groupon leur permet d'écouler des stocks, de constituer rapidement des bases marketing ou encore de créer du trafic sur le point de vente. Mais c'est aussi un moyen de communication onéreux dont il est impératif de limiter l'emploi dans le temps. En effet, au rabais consenti – en général entre 40 et 70% du prix de vente – il faut ajouter le taux de commission de Groupon, compris entre 40 et 50%. Difficile dans ces conditions de vendre à profit.

En fait, les doutes sur la pérennité et la solidité du modèle émergent alors même que Groupon prépare son introduction en bourse, prévue pour novembre 2011. Une vague de mécontentement gagne à la fois les annonceurs locaux et les utilisateurs. Après une période de découverte, l'usage se met à décliner rapidement. Ainsi, en France, l'audience du site passe de 8 millions de visiteurs uniques par mois au premier trimestre 2012 à 5 millions au dernier trimestre 2013.

Dans les cercles financiers, on comprend très vite que Groupon ne sera pas le nouveau Google. Ce d'autant plus que son modèle de coûts est intensif en main d'œuvre. Groupon emploie en effet 11 300 salariés pour un chiffre d'affaires de 2,6 milliards de dollars. Le ratio est donc de 440 salariés pour 100 millions de dollars de revenus. C'est un ratio de l'ancienne économie, non de la nouvelle ! A titre de comparaison, Google et Facebook sont à 80 ! Dans ces conditions, un taux de marge d'exploitation de 30 à 50%, qui est la norme pour les stars de l'économie numérique, est une douce illusion en ce qui concerne Groupon.

Le cours de bourse dévisse dès le début de l'année 2012. Et même s'il a rebondi depuis, il reste toujours inférieur de 60% à son niveau d'introduction. Il faut dire que Groupon a du mal à rassurer les investisseurs. En premier lieu, le groupe n'a toujours pas réalisé le moindre bénéfice. Au total, ce sont 852 millions de dollars de pertes qui ont été accumulées entre 2008 et 2013.

En second lieu, les revenus de l'activité historique, les daily deals, refluent depuis le deuxième trimestre 2012. Certes, Groupon avait anticipé ce retournement et s'est diversifié, dès 2011, dans le déstockage de produits de marque, puis dans le tourisme. Mais ces nouvelles activités, si elles compensent la perte de chiffre d'affaires, n'offrent pas le même niveau de marge.

Bref, le groupe est aujourd'hui obligé de se réinventer et devra probablement passer par la case « restructuration ». Malgré tout, son ambition reste forte : Groupon se voit bien être l'application mobile que, demain, chacun utilisera pour prendre connaissance des meilleurs plans de consommation près de chez soi. Groupon caresse l'espoir d'atteindre un jour la barre des 100 milliards de dollars de revenus, de s'ériger comme une sorte d'Amazon ou d'ebay du commerce local. Rêves de grandeur ou stratagème de communication financière ? L'avenir nous l'apprendra.


Publié le jeudi 10 avril 2014 . 4 min. 10

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