Peut-être vous plaigniez-vous de temps à autre du manque de réactivité de votre entreprise. Vous avez le sentiment que si l’on agissait plus vite, si les décisions étaient prises plus rapidement et si les habitudes acquises étaient plus facilement remises en cause, il serait possible de saisir un plus grand nombre d’opportunités. De manière générale, l’inertie organisationnelle a mauvaise presse : elle est assimilée à une pesanteur, à un défaut que vous devez combattre à coup d’innovation, d’audace et d’agilité. Or, ce n’est pas si simple, et s’il existe effectivement des exemples d’inertie organisationnelle particulièrement savoureux, elle peut aussi se révéler indispensable au bon fonctionnement de votre entreprise.
Parmi les cas les plus emblématiques d’inertie organisationnelle figure l’incroyable histoire des arbres au bord des routes. En France, de très nombreuses routes sont bordées de platanes, ce qui est très pittoresque, mais aussi très dangereux : tous les jours, des automobilistes perdent la vie en percutant des platanes. Il serait donc a priori pertinent de les enlever. Or, rien n’est fait en ce sens, si ce n’est ajouter des glissières de sécurité, souvent fatales pour les motards. Face à cette situation étrange, vous êtes-vous déjà demandé pourquoi y a-t-il des arbres au bord des routes et qui a décidé de les planter ? Peut-être pensez-vous qu’ils servent à faire de l’ombre pour les voyageurs, ou que leur rôle est écologique, voire purement esthétique. En fait, la raison est tout à fait différente. C’est le roi Louis XI, dans la deuxième moitié du 15e siècle, qui a décidé de faire planter des arbres, afin de bien délimiter les routes par rapport aux champs environnants. Il s’agissait de marquer la propriété royale et d’éviter que les seigneurs du cru ne la contestent. Bien entendu, cinq siècles plus tard, la notion de propriété royale est quelque peu surannée. Pourtant, les arbres sont toujours là. Un autre exemple fameux d’inertie organisationnelle concerne les piscines publiques. Par mesure d’hygiène, un règlement datant de 1981 impose de les vider entièrement une à deux fois par an afin de changer leur eau. Or, les technologies de purification actuelles permettraient tout à fait de conserver la même eau pendant plusieurs années. On gaspille donc de l’eau pour rien. Ces exemples à la limite de l’absurde – et il en existe beaucoup d’autres – donnent une vision très négative de l’inertie organisationnelle.
Pourtant, il existe aussi une facette, positive – voire indispensable – de l’inertie. Imaginez une organisation qui remettrait constamment en cause son fonctionnement, dans laquelle aucune procédure ne pourrait être instaurée, où l’accumulation d’expérience serait perpétuellement annulée par la recherche constante de la nouveauté. Obligée de tout réapprendre tous les jours, Cette organisation amnésique serait bien incapable de la moindre performance. En fait, l’inertie, ce sont aussi les routines, les croyances partagées et les savoir-faire qui assurent le fonctionnement quotidien de toute organisation. Sans inertie, l’apprentissage est impossible et la notion même de travail organisé devient une chimère. Comme toujours en management, la vérité n’est pas binaire : trop d’inertie rend ridicule, mais trop d’agilité rend incompétent.
Par conséquent, vous pouvez à raison vous moquer des arbres au bord des routes et de l’entretien des piscines, mais n’oubliez pas que ce ne sont que les effets secondaires d’une inertie indispensable à la bonne santé de la plupart des organisations, et peut-être même de la vôtre.
Publié le vendredi 05 avril 2019 . 3 min. 32
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