Le danger d'annoncer ses innovations trop vite : le piège de l'effet Osborne
Publié le lundi 22 novembre 2021 . 3 min. 34
Si vous envisagez de lancer prochainement une nouvelle offre sur votre marché, que ce soit un nouveau produit, un nouveau service ou un nouveau modèle économique, vous vous dites peut-être qu’il serait astucieux d’annoncer ce lancement suffisamment de temps à l’avance. En effet, vous pourrez ainsi préempter un certain nombre de clients qui s’apprêtaient à acquérir les offres déjà existantes. Séduits par votre annonce, ces clients vont patiemment attendre votre nouvelle solution, plus prometteuse, ce qui lui assurera d’emblée le succès.
Or, cette approche recèle un piège particulièrement dangereux, connu sous le nom d’effet Osborne.
Adam Osborne était un pionnier de la micro informatique. Après avoir fondé une société d’édition de manuels consacrés aux ordinateurs, il créa l’entreprise Osborne Computers en 1981 dans la Silicon Valley. Il y développa ce qui est considéré encore aujourd’hui comme le premier ordinateur portable de l’histoire, l’Osborne 1. Contrairement aux autres micro-ordinateurs de l’époque – comme ceux proposés notamment par Apple – l’Osborne 1 ne ciblait pas les passionnés d’informatique, mais les professionnels. Il s’agissait d’une machine pesant 12,5 kilogrammes, équipée d’un clavier et d’un écran, d’un tableur et d’un traitement de texte, conçue pour pouvoir être glissée sous un siège d’avion et vendue 1 795 dollars, soit la moitié du prix des ordinateurs concurrents. L’Osborne 1 rencontra un succès considérable, avec des ventes supérieures à 10 000 unités par mois. En un an, les effectifs de l’entreprise passèrent de 2 salariés à plus de 3 000, et Adam Osborne, qui était alors plus célèbre que Steve Jobs, fut comparé à Henry Ford au panthéon des grands entrepreneurs américains. Cependant, il commit une erreur dramatique. Début 1983, alors qu’il était l’invité d’un talk show télévisé, le présentateur lui demanda ce qu’allait être selon lui l’avenir de l’informatique. Adam Osborne, sûr de lui, répondit qu’Osborne Computers était en train de concevoir deux nouveaux modèles qui seraient à la fois plus rapides, plus puissants et plus fiables que l’Osborne 1. Malheureusement, cette annonce eut un effet dévastateur : les clients cessèrent d’acheter l’Osborne 1, les distributeurs annulèrent leurs commandes, et l’entreprise fit faillite avant que les deux nouveaux modèles aient pu être lancés. Même si cette histoire est contestée – d’autres observateurs ayant attribué la faillite à des erreurs de management et à une concurrence agressive – elle est restée célèbre sous le nom d’effet Osborne : ruiner une entreprise en annonçant à l’avance ses futurs produits.
Par conséquent, si vous envisagez de lancer une nouvelle offre, faites comme Steve Jobs, conservez jalousement le secret de ses caractéristiques jusqu’au jour du lancement, faute de quoi elle risquerait de ne jamais exister. Ou alors, faites comme Elon Musk, qui a annoncé la Tesla Model 3 en mars 2016, soit 18 mois avant les premières livraisons, mais en prenant bien soin d’exiger de ses 500 000 futurs clients qu’ils s’engagent en versant un acompte de 1 000 dollars, ce qui a largement contribué au financement du projet.
Heureusement, l’effet Osborne est donc évitable, car chaque nouvelle génération d’innovateurs peut apprendre des erreurs de celles qui l’ont précédée.
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