Si vous partez de temps à autre en voyage d’affaires, notamment pour des déplacements qui impliquent un décalage horaire, vous avez certainement déjà été dérangé par le fait que les chambres d’hôtel, dans le monde entier, ne sont jamais disponibles avant le début d’après-midi, alors que vous auriez bien besoin d’en profiter dès le matin : vous avez donc dû déposer vos bagages à la consigne et parfois même participer à votre première réunion sans avoir eu la possibilité de vous changer. De même, à chaque fois que vous avez besoin de réaliser une réparation ou simplement une révision de votre voiture, vous avez constaté que les garages automobiles classiques ne sont généralement ouverts ni le samedi, ni le dimanche, c’est-à-dire précisément au moment où vous auriez le plus de temps pour déposer votre véhicule. Il en est d’ailleurs de même pour les centres médicaux ou la plupart des services publics. Enfin, vous avez remarqué, lorsque vous faites une lessive, que le cycle de votre machine à laver dure beaucoup moins longtemps que celui de votre sèche-linge. Par conséquent, si vous devez faire plusieurs lessives à la suite, cela vous oblige à vous organiser en conséquence.
Comme l’on fait remarquer George Stalk, David Pecault et Benjamin Burnett, tous trois consultants au Boston Consulting Group, beaucoup d’industries de biens ou de services ont ainsi établi, au cours du temps, des habitudes, des manières de faire, ce que l’on appelle aussi quelque fois des recettes, qui déterminent ce qui est considéré comme étant une offre normale. Les entreprises se sont structurées en fonction de ces routines, elles ont établi des procédures qui les figent dans leurs actions, et elles ont recruté des profils qui les pérennisent. Or, comme dans le cas des chambres d’hôtels, de la réparation automobile ou des sèche-linges, ces normes imposent parfois des compromis à vos clients.
Un compromis n’est pas un arbitrage. Un arbitrage désigne la situation dans laquelle vous demandez à vos clients de choisir entre plusieurs offres, par exemple entre deux produits plus ou moins chers, entre un service standard et un service sur mesure, ou entre une livraison à domicile ou une livraison en point relais. Dans tous ces cas, vos clients peuvent arbitrer en fonction de leurs attentes et de leurs moyens, et c’est d’ailleurs la base de la segmentation de l’offre. À l’inverse, dans le cas d’un compromis, vous demandez purement et simplement de renoncer à certains choix, qui ne sont même pas proposés, à aucun segment de clientèle. Cela revient à contraindre vos clients à une concession, sans même que cela ne soit généralement explicite.
Par conséquent, si vous voulez créer une différenciation attractive dans votre industrie, vous devriez vous interroger sur les compromis qui ont jusque-là été imposés à vos clients. Pourquoi doivent-ils attendre si longtemps pour obtenir ce qu’ils demandent ? Qu’est-ce qui suscite leur mécontentement ? Quelle nouvelle organisation de votre activité pourrait leur éviter des difficultés et des tracas ? C’est en répondant à ces questions, en supprimant les compromis établis, que vous pourrez certainement proposer des innovations prometteuses.
Le plus étonnant dans tout cela, c’est que Stalk, Pecault et Burnett ont publié leur article en 1996, et que quasiment tous les exemples de compromis qu’ils ont cités à l’époque existent toujours aujourd’hui. Comme quoi, les normes ont la vie dure.
Publié le mardi 07 mai 2024 . 3 min. 16
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