Avec les divers confinements et contraintes de déplacements que nous avons subis depuis 2020 du fait de la pandémie de Covid-19, le travail à distance est entré dans les mœurs comme jamais auparavant. Beaucoup d’observateurs assurent que cette vague de virtualisation des relations professionnelles est irréversible. Ils soulignent que de nombreux candidats à l’embauche réclament désormais des contrats hybrides, incluant au moins un jour de travail à distance par semaine, faute de quoi ils refusent les offres qu’on leur propose. Les mêmes anticipent une désertion de l’immobilier tertiaire, devenu inutile. Vous-même, vous avez certainement pris l’habitude de travailler ne serait-ce que partiellement depuis chez vous, et votre logement s’est mué en une extension quelque peu intrusive de votre entreprise.
Or, ce que les défenseurs du travail à distance ne prennent pas toujours en compte, c’est que la proximité est un des déterminants du succès professionnel. En effet, lorsqu’ils envisagent de promouvoir un de leurs collaborateurs, vos supérieurs ont naturellement tendance à privilégier celles et ceux qu’ils côtoient le plus souvent. À l’inverse, les collaborateurs que l’on voit moins, ou que l’on ne croise que sur un écran lors de réunions Zoom ou Teams, ont moins de chances de se faire remarquer et au total d’être promus. Ce biais de disponibilité, bien connu des psychologues, fait que lorsque vous devez prendre des décisions, vous choisissez en priorité les réponses qui sont déjà à votre disposition. Cette solution de facilité permet à votre cerveau d’avoir à traiter moins d’informations, et elle lui évite de modifier trop souvent ses habitudes. Par conséquent, rester physiquement proche des puissants a toujours été une bonne manière d’obtenir leurs faveurs. C’était d’ailleurs le principe même de l’existence des courtisans sous l’ancien régime : leur prestige se mesurait à leur proximité avec le monarque. L’équivalent actuel se retrouve dans les âpres négociations pour l’attribution des bureaux physiques, chacun voulant être au plus près de ceux des dirigeants.
Vous avez certainement déjà eu l’impression que vos supérieurs donnent raison à la dernière personne qui leur a parlé. Par conséquent, rester physiquement proche des dirigeants, permet plus aisément d’avoir leur oreille, et par là leur confiance. Même les chefs les moins influençables restent soumis au biais de disponibilité, et eux aussi ont naturellement tendance à ne pas promouvoir celles et ceux qu’ils connaissent le moins. En restant chez vous, vous courez donc le risque d’y rester de plus en plus, jusqu’à ne plus figurer sur le radar de vos supérieurs.
De plus, le travail à distance recèle une autre menace, beaucoup plus insidieuse : en démontrant qu’une grande partie du travail peut être effectué en dehors de l’entreprise, qu’il s’agisse notamment des réunions de coordination, des négociations budgétaires, de présentations de résultats, voire de missions de conseil, Zoom, Teams et leurs équivalents démontrent que beaucoup de tâches que l’on croyait impossibles à délocaliser le sont effectivement : si vous pouvez faire votre travail à 10 kilomètres de votre entreprise, qu’est-ce qui empêcherait quelqu’un qui est à 10 000 kilomètres de le faire aussi ? En fait, le télétravail est la démonstration de la possibilité de délocalisation de votre fonction.
Au total, pour votre futur en entreprise, gardez à l’esprit une maxime tout aussi valable pour les relations personnelles que pour les relations professionnelles : loin des yeux, loin du cœur.
Publié le lundi 10 janvier 2022 . 3 min. 36
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