Comment les indicateurs de performance (KPI) rendent stupides
Publié le mercredi 13 juillet 2016 . 3 min. 06
Vous utilisez certainement dans votre entreprise des indicateurs de performance, que dans le jargon managérial on appelle le plus souvent des KPI, pour Key Performance Indicators. Peut-être même que votre rémunération est calculée à partir de ces KPI. Or, comme vous l’avez certainement remarqué, l’utilisation d’indicateurs de performance peut rendre stupide.
Un bon exemple est le taux de retour sur capitaux investis, qui est une des mesures de la valeur actionnariale. Lorsqu’on demande à des dirigeants d’entreprise d’améliorer ce retour sur capitaux investis, ils commencent naturellement par tenter de renforcer l’efficience de leur entreprise, c’est-à-dire le retour. Cependant, au bout d’un moment, les gains deviennent limités, alors qu’il s’agit de toujours faire mieux que les concurrents. Les dirigeants sont alors tentés d’appliquer une deuxième solution : plutôt que d’accroître le retour, ils cherchent à réduire les capitaux investis. On voit ainsi des distributeurs vendre leurs magasins, des groupes d’hôtellerie vendre leurs hôtels, voire des industriels vendre leurs usines. Du point de vue comptable, l’indicateur de performance est atteint et le dirigeant est assuré de toucher son bonus. En revanche, d’un point de vue stratégique, la cession des actifs à des prestataires externes peut poser des problèmes considérables en termes de contrôle, de transferts de compétence, voire d’indépendance stratégique et de degré de liberté. L’utilisation dogmatique d’indicateurs de performance peut donc conduire à prendre des décisions stratégiquement stupides.
On peut multiplier les exemples avec d’autres indicateurs classiques :
- En cherchant à accroître sa part de marché, on peut pratiquer des prix très attractifs pour les clients, mais trop bas pour assurer la pérennité de l’entreprise. C’est par exemple ce qui a en partie entraîné le dépôt de bilan de General Motors en 2009.
- En voulant comparer la performance des individus ou des équipes, on crée des animosités internes et on convainc certains managers qu’ils sont à l’origine au succès collectif, ce qui les pousse à demander des rémunérations toujours plus élevées. C’est par exemple ce qui a contribué à une dérive des bonus dans les banques.
- En voulant livrer ses clients le plus vite possible, on oublie de vérifier que les concurrents seront rapidement capables d’en faire autant, ce qui empêche de faire payer le surcoût de ce service. C’est par exemple ce qui a entamé les marges des distributeurs dans la papeterie.
Au total, on voit que le recours systématique à des KPI pousse les managers à ne plus gérer une entreprise, mais à se contenter de gérer des indicateurs, ce qui peut bien entendu avoir des conséquences dramatiques.
Comment éviter cette dérive ? Une solution consiste à toujours veiller à utiliser une batterie d’indicateurs, certains quantitatifs et d’autres qualitatifs, certains individuels et d’autres collectifs, certains financiers et d’autres commerciaux, et surtout à toujours s’assurer que l’évaluation du travail des managers restera un dialogue entre professionnels, et non la simple application d’un ratio dans une feuille de tableur.
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