Un dirigeant me demandait récemment si nos écoles et nos universités formaient de « bons » managers.
Ma réponse fut de lui dire que contrairement à ce que l’on croit, aucune école ne forme au « bon management » ! Est-ce un paradoxe ? La réponse est non !
En effet, la difficulté du management réside dans le fait qu’il ne se résume ni au bon sens ni à une concaténation de méthodes, de techniques et d’outils.
Manager, ce n’est pas juste trouver des solutions à des problèmes mais c’est très souvent trouver des problèmes pour ses solutions.
Pour ce faire, une des qualités majeures d’un manager réside dans sa capacité à faire de la bissociation c’est à dire relier, rapprocher, allier des idées à priori sans liens entre elles pour faire émerger de nouvelles idées : manager c’est créer à l’instar du poète. Le management est donc une œuvre de l’esprit qui se matérialise dans le réel du travail.
La création du manager, sauf exception, n’est bien sûr pas aussi spectaculaire que peut l’être celle du poète mais les mécanismes qui sous-tendent toute création sont les mêmes. Le cours de poétique donné par Paul Valéry au collège de France en atteste.
Manager, c’est faire œuvre d’imagination et de sensibilité dans un réel qui ne pardonne aucune erreur de la théorie. D’ailleurs, même l’action de décider peut être assise sur l’imagination : souvent, décider en faveur du chemin convenu peut être plus sûr mais moins porteur d’aventures et donc d’avenir pour l’entreprise. En outre, le manager, pris en tenaille entre des dispositifs de gouvernement de toute nature qui sont autant d’écrans entre le réel et lui, ne peut que méditer le conseil Gunther Anders : aujourd’hui, la faute réside moins dans la « malhonnêteté » ou dans « l’exploitation » mais dans le manque d’imagination. D’ailleurs, ne dit-on pas que l’imagination est « la capacité de rendre présent ce qui est absent ». Ainsi, pour être « à la hauteur de l’empirique, aussi paradoxal que cela puisse paraitre, nous dit Anders, il faut mobiliser notre imagination ». Ce qu’il résume avec cette belle formule : « élargis les limites de ton imagination pour savoir ce que tu fais ».
Manager, c’est donc orchestrer un concert dialogique entre des outils, des techniques et des Hommes notamment par le truchement de l’implexe que Paul Valéry définit comme étant la production spontanée de la sensibilité. L’implexe ne se prescrit pas, on n’est pas sensible par qu’on l’a décidé.
On peut donc apprendre les techniques managériales, l’histoire du management, l’histoire des grands managers etc… mais certainement pas comment être un « bon manager ». Au mieux, cela fait de vous, un bon préposé au management. Un tel constat est valable pour tous les métiers de création : poésie, chanson, peinture…
Les techniques de management s’apprennent à l’école mais le « bon management » est toujours situé dans l’espace et le temps et ne peut être que le fruit d’une éducation générale (techniques de management, éducation à la sensibilité et à l’imagination par la culture générale, éducation familiale et sociale qui forge la personnalité…), avec comme juge de paix le réel.
Le bon management est donc indissociable d’une vie de femme ou d’homme. Les managers sont les femmes et les hommes qu’ils sont dans la vie.
Aucune école ou université ne forme un bon manager comme aucune école militaire ne forme un bon général. Le jugement correct ne se prescrit pas. C’est un truisme de le dire. Maurice Gamelin pourtant sorti major de Saint-Cyr, est considéré comme un des responsables ayant conduit la France au désastre en 1940.
Publié le vendredi 15 novembre 2024 . 4 min. 08
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