Cultiver la reconnaissance : le modèle des "petits radis roses"

Une des plus belles histoires que j’ai entendue sur la capacité à faire un signe à quelqu’un dans le travail, c’est-à-dire lui montrer qu’il (ou elle) compte, est celle des petits radis roses.

Elle est racontée par un grand chef cuisinier multi-étoilé qui relate son apprentissage du métier. Il décrit ses débuts dans une immense brigade dirigée par un chef très prestigieux. Il explique que, tout jeune débutant, il est consigné à une tâche subalterne : celle de l’épluchage des légumes. Toute la journée donc, notre jeune marmiton épluche des légumes, dans un coin de la cuisine, tâche répétitive et ingrate qui en rebuterait plus d’un. Comment vaincre l’ennui et le désintérêt ? Comment ne pas succomber à la démotivation et arriver à sauvegarder la rigueur du geste ?
Notre chef ne cache pas que le découragement guettait.

Mais, nous dit-il, le grand chef qui régnait sur la cuisine faisait deux choses qui maintenaient la motivation et l’envie des collaborateurs, sans avoir fait des études dans de grandes écoles de management.

Tout d’abord, il proposait à tous de regarder dans la salle à manger du restaurant les clients se délecter des mets qui leur étaient apportés, ce qui permettait à chacun de comprendre pourquoi il était là et de comprendre à quoi le plus modeste geste était un « maillon dans une chaine ». L’épluchage des légumes prenait du sens quand le jeune apprenti les voyait apprêtés dans les assiettes et accompagnant des viandes ou des poissons succulents.

La seconde chose que faisait le grand chef de notre marmiton, était de se placer certains soirs à la sortie des cuisines pour dire au revoir mais surtout proposer un petit mot personnalisé à chacun. C’est ainsi que notre petit éplucheur de légume s’entendait dire à la fin d’une journée fatigante et obscure : « Bravo pour les petits radis roses ! » de la part du « grand chef », ce qui le remplissait de joie et de fierté. Il se sentait reconnu, et pleinement contributif de l’immense et complexe prestation que l’ensemble de la cuisine offrait.

Cette petite phrase prononcée avec bienveillance lui prouvait l’exigence d’excellence attendue par le « maître » et le tirait vers le haut, lui démontrait aussi qu’il existait comme une personne à part entière, et pas simplement comme le rouage d’une grande machine impersonnelle.
Cette histoire des petits radis roses m’est restée.

Et je pose la question : en tant que collaborateur, avons-nous eu souvent droit à ce petit signe de reconnaissance, qui remet en marche le moteur de la motivation si souvent déclinant ?

Et, comme manager, savons-nous adresser ce signe à ceux et celles qui travaillent dans nos équipes ?
Manager ce n’est pas seulement organiser les brigades pour que la cuisine tourne bien et que les meilleurs plats arrivent en temps et en heure sur la table des clients du restaurant. Manager, c’est aussi savoir remercier pour la qualité de l’épluchure des plus simples légumes !

Je souhaite à tout un chacun de trouver ses « petits radis roses ».