Les clichés sur les générations fusent de toutes parts, il est facile de se laisser entraîner dans un tourbillon de généralisations. Mais quels sont les risques réels de ces catégorisations hâtives dans nos environnements professionnels et personnels? Je vous propose ici une petite exploration de ces affirmations réductrices qui, loin d'être anodines, façonnent nos interactions et nos politiques managériales.
« Les jeunes n’ont plus le goût de l’effort », « Ils ne pensent qu’aux RTT et au télétravail », « La nouvelle génération est tellement soucieuse de l’environnement ! », « Les vieux sont des fractures numériques à eux tous seuls », « Les seniors sont là pour transmettre aux plus jeunes » etc etc … je suis certaine que vous avez prononcé ou entendu une de ces petites phrases très récemment, tellement elles nous arrivent à haute fréquence !
Et c’est le début de la fin !
A cela trois raisons :
- C’est vivre sur des stéréotypes qui deviennent vite des préjugés et qui conduisent à des comportements discriminatoires : c’est ainsi qu’on ne propose pas de formation à des quinquas jugés incapables d’apprendre, ou qu’on va renoncer au recrutement d’un plus jeune car on postule de son refus de s’engager.
- C’est catégoriser les personnes sans prendre la peine de les connaitre et de les accompagner dans leur singularité ! Or, chaque fois qu’un manager livre ce type de sentence, il a tout de suite un contre-exemple dans son équipe : un jeune très sérieux et un vieux très « geek ».
- C’est se servir de cet alibi des générations et des âges pour camoufler un management défaillant qui ne sait pas gérer les personnes dans leur diversité et leur complexité.
Vous me direz que « plein d’études » sont là pour abonder dans ce sens. Je répondrais que « nous voyons ce que nous croyons » et qu’il y a toujours un sondage, un article, une analyse qui abonde dans notre sens, si nous ne savons pas mettre à distance notre biais de confirmation.
C’est la réfutation qu’il faut aller chercher pour sortir de ces croyances qui polluent notre lucidité et nuisent à l’efficacité stratégique dont nous avons besoin au travail.
Il en est de même du fameux concept des générations : X Y Z Alpha dont tant de consultants ont fait leur fond de commerce. Depuis Bourdieu (et bien d’autres), il est démontré que ne sommes pas déterminés par notre date de naissance mais par le capital économique, intellectuel, social de nos parents et notre lieu de naissance.
Ainsi, des études récentes comme l’étude « Génération le grand fossé ? » de la Fondation Jean Jaurès montrent que la préoccupation pour l’environnement n’a pas d’âge (1), d’autres (2) que les jeunes diplômés se disent engagés et recherchent avant tout le salariat et un développement de leur expertise professionnelle. Ce qui est contre-intuitif !
Catégoriser, en management, c’est se priver de tous les talents. C’est surfer sur l’opposition si naturel depuis des millénaires des générations au sens des oppositions parents/enfants. Déjà Socrate (470-399 av. JC) disait : « Notre jeunesse (...) est mal élevée, elle se moque de l’autorité et n’a aucune espèce de respect pour les anciens ».
C’est une chose de vivre dans sa vie personnelle des relations d’opposition avec ses ados ou ses parents, s’en est une autre d’avoir un comportement professionnel en management.
L’excellence en la matière est de questionner ses croyances pour se donner une chance de découvrir, derrière la date de naissance, de belles personnes et de vrais potentiels.
(1) étude 'Générations: le grand fossé?' janvier 2022, Fondation Jean-Jaurès : 87% des seniors et 82% des jeunes se disent "préoccupés" - voire "très préoccupés" - par le réchauffement climatique.
(2) Etude sur le début de carrière des jeunes diplômés des grandes écoles françaises, avril 2023, EDHEC NewGen Centre et G16 Careers
Publié le lundi 2 septembre 2024 . 3 min. 52
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