Comment et pourquoi les dirigeants des collectivités locales françaises (communes, métropoles, départements) ont souscrit à des emprunts « structurés » qui sont devenus toxiques ? Voilà la question qui taraude de nombreux observateurs de la vie publique locale. Selon des chercheurs en finance d’Harvard et d’HEC (Christophe Pérignon et Boris Vallée) non seulement les élus savaient ce qu’ils faisaient - contrairement à ce qu’ils ont affirmés régulièrement - mais également que « plus les élus savaient, plus ils signaient ». Des conclusions édifiantes, tant sur le plan des conséquences sur les finances locales mais également sur le comportement financier des décideurs non payeurs que sont les élus.
L’affaire des emprunts toxiques, dont le montant est évalué à 14 milliards d’euros, concerne quelque 1.500 collectivités ou organismes publics et a généré très nombreux contentieux initiés par des élus cherchant à faire annuler leurs dettes.
Face au scandale des emprunts toxiques souscrits par les dirigeants des collectivités locales, la réaction populaire est bien souvent d’incriminer les banques en les accusant de manipulation des élus. Certes, les banques ne sont pas des acteurs désintéressés et il est manifeste qu’elles ont cherché à placer leurs produits structurés en jouant sur les avantages immédiats des prêts en question. Parmi ces avantages se trouvait un taux minoré par rapport aux emprunts à taux fixes. En contrepartie il y avait évidemment un risque, mais qui a bien sûr été minimisé et sous-estimé. A défaut, d’être des spécialistes de finance, les élus concernés pouvaient s’entourer de conseils indépendants et ne pas s’en remettre aveuglement au discours des banquiers. Si ces derniers ont proposé leurs produits structurés, ils n’ont pas obligé sous la contrainte les dirigeants des collectivités à signer. La responsabilité des élus est manifeste.
« Quand on aime on ne compte pas » dit le dicton populaire. A la lumière des emprunts toxiques, il semble bien que nos dirigeants politiques, locaux ou nationaux, n’ont pas compté. En additionnant l’aide du fonds d’aide et la part des Indemnités de remboursement anticipé payée par les collectivités locales, le total de la facture s’élève à plus de 5,5 milliards d’euros, dont environ 50 % resteront à la charge des collectivités. Il s’agit incontestablement d’un énorme gâchis d’argent public et pourtant cela est loin de faire les gros titres des journaux.
Oui les banques ont poussé à la signature de ces emprunts structurés avec un excellent marketing ; oui certains élus devaient comprendre le montage financier vu leur formation ou leur capacité à mobiliser des conseils avisés ; oui certains élus de petites communes étaient ignorants ; oui tous y ont trouvé leur intérêt à court terme. Par contre, tous ne pouvaient prévoir les évolutions des paramètres sur lesquels étaient construit leurs emprunts structurés, comme par exemple la parité Euro/Franc suisse. Ils se sont tous engagés dans des opérations qu’ils considéraient sans risque alors que, bien évidemment, ils mettaient en risque les finances de leurs collectivités. Comme quoi la finance est une matière dangereuse, même sans actionnaires !
Publié le mercredi 16 octobre 2019 . 3 min. 18
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de Michel Albouy
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