S’il fallait choisir deux caractéristiques qui distinguent véritablement l’économie française des autres pays occidentaux nous citerions le niveau très élevé de la dépense publique (57 % du PIB) et la présence de l’Etat au capital de nombreuses entreprises du secteur concurrentiel. Ces deux caractéristiques conjuguées font que la France est loin d’être une économie ultra libérale.
L’Etat actionnaire exerce sa pression à travers ses nombreuses participations au capital des entreprises du secteur concurrentiel. Le bras armé de ces interventions est l’Agence des participations de l’Etat (APE) créée en 2004 et qui est placée sous la tutelle du ministre de l’économie et des finances. Comme on peut le lire sur son site, « l’agence des participations de l’Etat incarne l’Etat actionnaire, investisseur en fonds propres dans des entreprises jugées stratégiques par l’Etat, pour stabiliser leur capital ou les accompagner dans leur développement ou leur transformation ».
Les entités relevant du périmètre de l’APE sont nombreuses et variées et il est permis de s’interroger, pour certaines, sur leur caractère « stratégique ». Il faut dire que cette caractéristique est suffisamment élastique pour permettre de qualifier de stratégique toute entreprise tricolore dès lors qu’on fait référence au patriotisme économique. Comme le reconnait l’APE sur son site « le portefeuille détenu directement ou non par l’Etat est aujourd’hui à la fois étendu et très divers, tant au regard des secteurs d’activité concernés que du poids de l’Etat au sein des entreprises ou des formes juridiques existantes. »
Aussi, on peut se demander si ce portefeuille relève d’une véritable stratégie d’investisseur ou du hasard de l’histoire. Entre les motifs idéologiques liés aux nationalisations du passé et la volonté de sauver des entreprises au bord du dépôt de bilan, l’Etat semble naviguer à vue et à court terme contrairement à ce qu’il affirme. De plus l’APE n’est pas le seul outil à la disposition de l’Etat actionnaire qui peut intervenir indirectement via Bpifrance dont il est actionnaire à 50 % avec la Caisse des dépôts et consignations.
La justification principale de la présence de l’Etat actionnaire au capital des entreprises françaises est, selon les lignes directrices de son action « sa capacité d’intervention ou d’anticipation qui lui sont propres » et que son intervention « s’inscrit dans la durée, en faveur notamment de projets qui peuvent avoir un retour différé. » Bref, l’Etat serait un investisseur avisé, visionnaire et porteur d’un engagement à long terme », tout le contraire de ce que sont supposés être les actionnaires privés. Pourtant la performance financière de son portefeuille est loin de battre l’indice du marché.
Enfin, nombreuses sont nos grandes entreprises cotées avec un actionnariat totalement privé qui se portent bien et ont une vision à long terme. Le long terme n’est pas le monopole de l’Etat ! En voulant poursuivre plusieurs objectifs, parfois antagonistes, l’Etat semble agir plutôt comme un pompier dans l’urgence que comme un stratège à long terme. Balloté entre les pressions politiques et syndicales, les gouvernements ne savent pas toujours où ils veulent en venir, sauf à gagner du temps d’ici la prochaine élection. Ajoutons à cela les choix politiques qui peuvent varier dans le temps suite aux élections et qui ne favorisent pas une vision à long terme.
Alors faut-il en finir avec l’Etat actionnaire ? Vraisemblablement oui. Un tel désengagement de l’Etat dans des entreprises qui relèvent du secteur concurrentiel dégagerait des marges de manœuvre non négligeables et permettrait à l’Etat de se concentrer sur ses missions fondamentales.
Publié le mardi 21 janvier 2020 . 3 min. 51
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