Oui, et même si cela dérange, les actionnaires ne sont pas toujours obsédés par le profit à court terme comme on l’entend ici où là. Le cas de Sanofi, premier groupe pharmaceutique français, et 4e capitalisation boursière de Paris (avec 97 milliards d’euros) illustre parfaitement ce constat.
C’est par une phrase laconique que la communauté financière a appris (30 octobre 2014) le départ du dirigeant du premier groupe pharmaceutique français. Les raisons invoquées éclairent une certaine gouvernance "à la française". On savait depuis de nombreux mois que les relations entre le directeur général et plusieurs administrateurs étaient mauvaises. La principale raison de cette mésentente se trouverait dans "le style de management" et une vision trop comptable de la gestion de l’entreprise.
Le communiqué annonçant l’éviction cinq ans après sa nomination du directeur général est clair : "La poursuite du développement du groupe exige un management fédérant plus largement les talents, une focalisation plus grande sur l’exécution et une collaboration étroite et confiante avec le conseil".
Pour comprendre cette décision, il faut remonter à l’origine de Sanofi et à sa remarquable réussite depuis sa création en 1973. À cette époque Sanofi n’est qu’une start-up d’une dizaine de personnes solidement adossée à Elf Aquitaine. Elle est dirigée par Jean-François Dehecq, un ingénieur Arts et Métiers, qui partage avec le Général de Gaulle la volonté de créer des champions français. Bien avant l’idée d’entreprise à mission contenue dans la loi PACTE, Sanofi connait sa mission : devenir un groupe pharmaceutique mondial au service de la France.
Après plus de 300 fusions et acquisitions, Jean-François Dehecq se retrouve à la tête du 2e groupe pharmaceutique mondial et 1er Européen. Même si Sanofi compte plus de 105.000 salariés, dont 27.500 en France (26% en R&D), la culture de ce groupe a été fortement marquée par ses origines et le management de son premier patron. Le management de François Dehecq s’est traduit par une culture interne de Sanofi très tournée vers la responsabilité sociétale. C’est ainsi qu’en 2010 l’entreprise a remporté le prix de L’AGEFI de la gouvernance RSE. A l’opposé de cette vision, se trouve le nouveau n°1, Christophe Viehbacher, de nationalité germano-canadienne et de formation comptable, davantage focalisé sur les performances financières à court terme et les réactions des marchés financiers ; et un peu étranger à la culture d’un tel groupe.
Pour Christopher Viehbacher la R&D de Sanofi était jugée inefficace et c’est pourquoi il l'a ouverte sur l’extérieur, à travers de nombreuses acquisitions. Mais en même temps, il a voulu restructurer la R&D de Sanofi, essentiellement basée en France. Bien évidemment, cette absence de dimension RSE dans le management n’est certainement pas le seul facteur explicatif de la chute du 2e patron de Sanofi. Le manque de concertation avec le conseil est également pointé du doigt, par exemple le fait que le conseil apprenne la fermeture de plusieurs sites de production en France par la presse afin d’augmenter la rentabilité du groupe. Comme quoi, les dirigeants doivent toujours agir conformément aux attentes des actionnaires qui ne sont pas toujours intéressés que par un résultat à court terme.
Publié le jeudi 28 novembre 2019 . 4 min. 02
Les dernières vidéos
Finance
Les dernières vidéos
de Michel Albouy
LES + RÉCENTES
LES INCONTOURNABLES