L’affectio societatis : les plus jeunes ne savent même plus le traduire. Simplement dit, c’est l’affection qu’on porte à son entreprise. A l’heure d’aujourd’hui, ça peut surprendre. Pourtant, la fierté du personnel Air France dans les années 70 ou celle des ouvriers de la Peuge, comme on disait à Sochaux au sein des usines Peugeot relève de cet affectio societatis. De même pour les PME ou les artisans, on était content de travailler à la Main de l’ébéniste, parce que c’était un bon ébéniste reconnu sur la Place locale.
Qu’est-ce devenu ? Malheureusement, la pensée unique – toujours teintée d’un certain marxisme, il faut bien le dire – à diaboliser l’entreprise. D’abord, elle en a fait une personne à part, qui nous contraint, nous oblige et nous fait mal. On est loin de ce que je pense être une entreprise : un collège de collaborateurs qui constituent eux-mêmes l’entreprise. La personne morale n’est que juridique ; elle n’existe pas humainement. Seuls les collaborateurs comptent. Alors évidemment, on n’aime plus son entreprise. On la subit – au mieux – on la craint – au pire. Comme souvent, l’Allemagne (ou le monde germanique dans son entier) n’est pas dans cette situation où les jeunes apprentis (qui représentent 40% des étudiants supérieurs en Autriche) aiment leur entreprise ou, à tout le moins, aiment et sont fiers du produit ou du service que délivre l’entreprise.
Et les deux années de confinement / télétravail ne font rien pour arranger les choses ! A vrai dire, la situation actuelle se lit dans les deux sens : c’est parce qu’on n’aime pas particulièrement son entreprise qu’on a du mal à y retourner et c’est parce qu’on ne croise plus ses collègues au sein de l’entreprise qu’on a du mal à aimer son entreprise.
En réalité, cet épisode de deux années particulières conduisent à reconnaître l’importance de l’affectio societatis c’est-à-dire l’importance ineffable / indicible d’être ensemble autour d’un même projet pour en être fier tous ensemble, pour se reconnaître dans un produit connu du grand public, pour avoir suffisamment d’affection pour sa boîte pour être à même de prendre des initiatives, proposer des améliorations etc. C’est cette affection pour sa boîte qui est source de progrès et pas nécessairement des processus d’innovation – en tout cas pas seulement !).
Pour imager cet affectio societatis, c’est cette joie qui se dégage d’une partie de cartes où tout un chacun fait de son mieux pour gagner et, en conséquence directe, chacun fait de son mieux pour que la partie soit la plus belle possible. Cette joie partagée de la partie de cartes s’assimilent à l’affectio societatis. La randonnée est aussi une autre image de l’affectio societatis où chacun avance à son rythme avec ses bons et moins bons moments mais où tous partagent au final le plaisir d’avoir fait cette rando ensemble comme on a mené un projet ensemble, une transformation ensemble.
On est bien loin des contraintes de travail, du pouvoir d’achat et des chefs toujours sensés ne pas être à la hauteur ni même agréables avec leur équipe respective, me direz-vous. Mais c’est bien le problème ! Plus d’affectio societatis annihile tous les faux problèmes, les combats à 2 francs 50, les chiquaïas sans intérêt.
Plus d’affectio societatis passe par deux axes majeurs.
D’abord, réapprendre à aimer le travail, à admettre qu’on peut faire son travail plus ou moins bien et que c’est quand même plus à son honneur quand on le fait bien. Et si on le fait bien, il y a moins de critiques / conflits avec ses collègues. Plus on ose s’engager. La randonnée commence à s’organiser… Et puis aimer son travail, c’est l’améliorer, mieux s’organiser, c’est considérer le process comme une base de way of work toujours en mouvement et pas comme un dogme inamovible et pénible.
Ensuite, c’est aux équipes dirigeantes de transcender ce goût pour le travail bien fait en fierté de sa boîte par des animations plutôt festives aux diverses occasions de réussite commerciales, technique ou de transformation, par une animation de la communication externe, par une animation de la marque de l’entreprise qui doit impérativement être dans le prolongement de la fierté du travail des équipes internes.
Bref, en espérant que les latinistes ne m’en voudront pas, mais on pourrait moderniser l’expression affectio societatis en un « I like my job » parce que je n’ose pas encore le « je kiffe ma boîte » !
En tout cas, la fin de cette période qui a éloigné les équipes de leur entreprise est le bon moment pour les équipes dirigeantes de repenser à un impulse qui amorce un nouveau goût pour son entreprise.
Publié le lundi 14 mars 2022 . 3 min. 12
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