L’expertise comptable va-t-elle se faire uberiser ? Assiste-t-on à l’émergence dans cette profession d’acteurs totalement nouveaux, à l’image d’Airbnb dans l’hôtellerie ou de Uber dans le transport de personnes ?
Avant d’évaluer si ce risque est réel, il faut bien comprendre ce qu’est l’uberisation. On peut définir cette notion de la manière suivante : grâce aux nouvelles technologies, des entrepreneurs fédèrent sur leurs plateformes une foule d’individus non-salariés c’est-à-dire des auto-entrepreneurs, des intermittents ou des freelances qui possèdent leur propre outil de travail. Ces travailleurs indépendants sont mis en relation avec des clients via la plateforme. Une fois la mission effectuée, ces clients évaluent le service rendu par ces non-salariés.
En France, l’expertise comptable est réglementée. Pour tenir la comptabilité d’une entreprise et fournir les documents destinés à l’administration fiscale et aux banques, il faut pour le moment obligatoirement passer par un expert-comptable diplômé. Rien n’empêche toutefois la profession de se faire uberiser. Un entrepreneur peut ainsi lancer une plateforme numérique qui fédérerait sous une même marque des experts-comptables indépendants pour leur faire faire de la saisie comptable, les déclarations périodiques et pour établir les comptes annuels en fin d’année. On peut même imaginer des systèmes de division du travail où les experts-comptables indépendants superviseraient des travailleurs indépendants non diplômés, et tout cela serait coordonné par une plateforme. Donc la réglementation n’est pas un rempart à l’uberisation qui est un risque bien réel pour les cabinets d’expertise comptable traditionnels.
Seulement cette solution serait sans doute beaucoup moins efficace économiquement que des plateformes qui automatiseraient la comptabilité. Car la comptabilité ce n’est finalement rien d’autre que des data à collecter et à exploiter en continu puis à restituer sous une forme particulière pour satisfaire aux exigences réglementaires. Avec les technologies de dématérialisation, avec le cloud computing, le Big Data et les avancées dans le domaine de l’intelligence artificielle, il ne fait aucun doute que la machine deviendra dans l’expertise comptable plus forte que l’homme.
D’ailleurs, des offres d’expertise comptable en partie automatisées se développent actuellement sur le marché français. Vous avez peut-être entendu parler d’ECL Direct, de Compta-Clémentine, SOCIC SmallBusinessAct ou ça compte pour moi. Ces cabinets proposent aux chefs d’entreprises les mêmes prestations que l’offre d’expertise comptable traditionnelle. À la différence près que les flux sont dématérialisés et automatisés au maximum, tout comme d’ailleurs la relation client. Quant aux prix de ces offres, il est bien inférieur à ce qui se pratique habituellement, grâce à une organisation totalement optimisée à l’intérieur du cabinet et aux gains de productivité réalisés avec l’appui des nouvelles technologies.
Vous l’aurez compris, ces offres n’ont rien à voir avec la notion d’uberisation telle que je l’ai définie. Ce sont plutôt des exemples de « low-costisation » voire plus simplement de « digitalisation » de l’offre traditionnelle. Et actuellement même les grands noms de la profession se lancent dans cette course à la digitalisation.
Pour résumer, la menace qui guette l’expertise comptable, ce n’est pas vraiment l’uberisation. C’est sa robotisation via des plateformes numériques !
Publié le mardi 6 octobre 2015 . 3 min. 43
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de Philippe Gattet
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