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Alors que l’on vante l’importance de l’innovation et de la pensée créative, la littérature managériale semble avoir pris le contre-pied en imposant une succession de modes uniformisées. Ainsi, le Design Thinking, célébré comme un remède à tous les maux, n'est que la dernière itération de ce phénomène. Et si ces modes managériales n’étaient que du prêt à portée de la pensée, des refuges à la médiocrité, et finalement du prêt à penser à l’efficacité douteuse ?


Les modes managériales forment un véritable un cycle de fascination et de désillusion. Chaque époque a sa star managériale. Dans les années 1980, c’était le Management par Objectifs (ou MBO), une approche basée sur la définition de cibles précises pour maximiser la performance. Puis est venu le Lean Management, célébré pour sa quête obsessionnelle de la réduction des gaspillages. Aujourd’hui, c’est le Design Thinking et l'Agilité qui dominent le discours. Chaque théorie est vendue comme une panacée, promettant de révolutionner les entreprises, pour finalement laisser place à la déception une fois son effet de mode estompé.


Le Design Thinking, par exemple, promettait de réinventer les processus d’innovation en mettant l’utilisateur au centre des réflexions. Mais la méthode, à force d’être standardisée et appliquée mécaniquement, s’est vidée de sa substance. On observe le même phénomène avec l'Agilité : une méthodologie qui, bien qu’utile dans certains contextes, est trop souvent imposée dans des environnements inadaptés, menant à des équipes qui se perdent dans des cycles infinis de sprints sans réel progrès.


De fait, le prêt-à-penser est une tyrannie bruyante et bien médiatisée. La popularité de ces approches découle en partie d’une littérature managériale abondante et influente. Des livres comme "Good to Great" de Jim Collins ou "Blue Ocean Strategy" de Kim et Mauborgne offrent des modèles simplifiés, promettant des solutions universelles à des problèmes complexes. Les managers, en quête de réponses faciles, les adoptent sans remettre en question leur pertinence. Le Design Thinking, avec ses étapes bien délimitées et ses ateliers de brainstorming, est lui aussi devenu un outil de conformité, là où il aurait dû stimuler l’innovation.


Cette tendance au prêt-à-penser est inquiétante. Les entreprises ne parviennent plus à développer une réflexion critique sur leur propre situation et contexte. La pression de suivre la dernière mode est telle que toute tentative de s’en écarter est perçue comme une résistance rétrograde. Comme le souligne le sociologue David Courpasson, cette tyrannie des modes impose une conformité silencieuse qui étouffe les vraies initiatives innovatrices et les ruptures potentielles.


Aujourd'hui, le Design Thinking tout comme la méthode agile et son approche dite « Scrum » sont omniprésents. Mais ils vont perdre de leur éclat. Une nouvelle théorie émergera bientôt, promettant, elle aussi, de résoudre tous les problèmes. En réalité, ces modes suivent un cycle bien connu : fascination initiale, adoption massive, échec à produire des résultats concrets, puis rejet ou obsolescence.


En attendant, les managers continuent de surfer sur les modes, et même de mode en mode, sans jamais remettre en question l’essentiel : chaque entreprise est unique et ne peut être gérée avec des recettes préétablies. Le véritable geste de rupture n'est pas de lire le dernier best-seller managérial, mais de le défier.


Publié le mardi 15 octobre 2024 . 4 min. 05

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