La crise du Coronavirus a rendu visibles des corps de métiers souvent oubliés et peu considérés. Les coursiers des plateformes de livraison de repas, qui sillonnaient les rues désertes et silencieuses pendant le confinement, sont devenus largement plus visibles aux yeux du public. Certains d’entre nous, confinés à leurs domiciles et préférant limiter leurs sorties, ont eu recours à leurs services, pour des courses d’appoint ou des commandes auprès des restaurants de quartier. D’autres ont jugé nécessaire de leur attribuer un pourboire plus intéressant pendant cette période. Compte tenu de ce contexte, il est légitime de se demander quel éclairage la crise sanitaire apporte sur la nature du travail des coursiers de plateformes. Dans quelle mesure a-t-elle participé à renforcer leur visibilité, et quelles leçons apporte-t-elle pour le mode de fonctionnement des plateformes ?
Les plateformes de livraison ont maintenu leur activité pendant le confinement. Elles ont essayé de contenir les risques liés à la fermeture des restaurants, et de saisir les opportunités relatives au confinement, en faisant par exemple la promesse de livraisons sans contact, en proposant la gratuité des frais de port ou en créant des partenariats avec les commerces de grande distribution. Cette crise a ainsi participé à braquer le projecteur sur le métier de coursiers et à accroître leur visibilité physique, médiatique et institutionnelle. En allant faire vos courses ou votre jogging, vous avez été amenés à les croiser dans des rues quasi-désertes. En regardant les reportages et journaux télévisés, vous avez pu découvrir leurs témoignages en temps de crise. En navigant sur internet, vous avez peut-être aussi découvert les propositions de syndicats et députés les concernant. Les coursiers ont ainsi gagné en visibilité. Mais, cette visibilité se veut également sociale. On a en effet pu voir émerger, pendant cette crise, les premiers signes d’une reconnaissance symbolique et statutaire. L’utilité sociale des coursiers et leur rôle dans la survie des commerces alimentaires est devenue plus explicite. Enfin, cette visibilité se veut aussi collective. La crise du Coronavirus a mis en évidence les premiers signes d’une identité collective entre coursiers. En France, en Espagne et au Canada, on a pu voir les collectifs de livreurs s’organiser pour distribuer des masques et gants à leurs collègues, plaider pour la généralisation des aides gouvernementales pour les travailleurs indépendants, ou effectuer des marches protestataires pour l’amélioration de leurs conditions de travail.
Sur le plan théorique, cette crise a donc permis de réfléchir sur les spécificités de l’économie de plateforme, et sur les pratiques de solidarité et d’organisation dans des contextes atypiques de travail. Sur le plan managérial, la crise du Coronavirus a mis à jour le rôle critique des livreurs comme derniers maillons de la chaîne des plateformes, et l’importance de leur prise en compte dans le processus de création de valeur. Cette mise en lumière des coursiers offre donc aujourd’hui l’opportunité de dessiner les contours d’un nouveau contrat social pour ces travailleurs, une opportunité qu’il serait dommage de ne pas saisir.
COEURDEROY, R., S.KRIEM
Covid-19 : La visibilité collective des livreurs ou les prémices d’un nouveau contrat social
ESCP Impact Papers, 2020-65-FR
https://academ.escpeurope.eu/pub/IP%202020-65-FR-Coeurderoy_New.pdf
Publié le jeudi 17 septembre 2020 . 3 min. 43
Les dernières vidéos
Idées, débats
Les dernières vidéos
d'ESCP Business School
LES + RÉCENTES
LES INCONTOURNABLES