Xerfi Canal TV a reçu Clement Bernard, vice-président chez CGI, en charge du secteur Télécoms et Médias pour évoquer la situation des Télécoms. On le voit, ce secteur connaît un certain nombre de difficultés. Il y a notamment eu la tentative de rapprochement entre Orange et Bouygues qui s’est soldée par un échec…
Mais au-delà des raisons de cet échec, est-ce que cet épisode ne traduit pas le fait que le secteur est aujourd’hui trop concentré ?
Eh bien je pense qu’il faut déjà commencer par rappeler la structure de la concurrence pour bien poser les choses. Cette concurrence se joue sur 3 niveaux. Il y a naturellement une concurrence horizontale qui s’opère entre les 4 grands opérateurs. Mais il y a aussi une double concurrence verticale. Celle exercée d’abord par les éditeurs de service et de contenus « Over The Top », les OTT comme Google, et celle aussi des équipementiers qui proposent aujourd’hui des services end to end. Je pense ici par exemple aux hot spots wifi dans les installations JC Decaux. On voit que cette concurrence verticale provient d’acteurs non traditionnels du marché et qu’elle bouscule les lignes de partage.
Selon vous, est-ce que cette nouvelle concurrence menace les opérateurs d’uberisation ?
Je pense qu’il faut bien distinguer deux éléments clés : les réseaux et les services. Pour les réseaux, il n’y pas de risque imminent à mon sens, car ils sont extrêmement règlementés et les licences, délivrées par les autorités, coûtent chères ! Autrement dit, personne ne peut s’improviser opérateur B2C tant qu’il n’y a pas d’avancée technologique révolutionnaire. Les choses sont différentes pour la partie services, où là, les opérateurs ont déjà perdu des batailles. Par exemple, dans le B2C, aucun n’a réussi à résister à Google ou Apple lorsqu’ils ont imposé leurs operating system Android ou IOS. C’est donc bien sur le volet des services que les menaces d’uberisation sont les plus fortes.
Alors comment les opérateurs peuvent-ils écarter ces menaces ?
Il est important de dire que certes, ces menaces sont là et bien là, mais qu’elles sont aussi porteuses d’opportunités. Dans le B2B notamment, l’essor de l’Internet des objets ou du cloud ouvre un champ des possibles extraordinaire pour les opérateurs qui ont de nombreux atouts : ils sont hébergeurs, ils proposent la connectivité. Ils ont toujours été confrontés aux problèmes de cybersécurité et peuvent donc apporter des solutions à leurs clients. Dans le B2C, il y a aussi beaucoup à faire et les opérateurs peuvent s’appuyer sur leur avance qui est réelle grâce à leur présence dans les foyers au travers de la set-up box. Ils peuvent par exemple proposer des services de domotique ou de santé permettant d’augmenter leur valeur ajoutée.
Est-ce déjà vers ces pistes que s’orientent les opérateurs ?
Oui, je pense notamment à SFR qui développe des applications dans le domaine de la sécurité. Ils connectent par exemple les alarmes incendie. Ils travaillent aussi sur les applications domotiques comme le contrôle de la chaudière ou des volets à distance. Je pense aussi à Bouygues qui travaille sur des services énergétiques dans l’optique du développement des smart grids.
Finalement, on peut parler de changement de paradigme pour les opérateurs. Est-ce là le principal frein à lever pour qu’ils se développent dans les directions que vous venez de décrire ?
Oui, effectivement, les opérateurs, qui sont des entreprises industrielles historiques, vont devoir raisonner en écosystème et se rapprocher de start-ups qui peuvent bénéficier en retour de l’accès à leurs millions de clients. Mais au-delà de la question culturelle, je vois 3 autres freins à lever. D’abord la question de la monétisation, à savoir comment facturer les usages ? Et comment commissionner les partenaires ? Les systèmes classiques très souvent liés aux numéros de téléphone ne permettent pas de résoudre ces problèmes et il y a la nécessité de développer des plateformes orientées services. Le deuxième frein, c’est l’interopérabilité entre les opérateurs et les partenaires externes, qui passe par un développement plus soutenu des API. Enfin, le 3e frein, c’est le bundling d’offres. Je veux dire par là que les opérateurs vont devoir être capables d’associer leur catalogue d’offres avec ceux de leurs partenaires. À titre d’exemple, nous y travaillons déjà chez CGI puisque nous mettons à disposition actuellement pour un de nos clients une plate-forme qui permet d’associer la connectivité d’un opérateur avec des produits innovants du type tablettes, drônes, objets connectés – l’objectif étant de vendre un « service intégré » au client final.
Clement Bernard, Les télécoms vont-ils se faire uberiser ?, une vidéo Xerfi Canal TV
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Publié le mardi 07 juin 2016 . 5 min. 03
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