Xerfi Canal présente l'analyse d'Alexander Law, directeur de Xerfi Global
Jusqu’à la crise, l’ensemble européen était globalement équilibré. Equilibré du point de vue de l’épargne. Equilibré du point de vue du commerce extérieur. Mais à y regarder de plus près, on s’aperçoit que c’était surtout une zone terriblement hétérogène. Elle avait ses producteurs et ses consommateurs. Elle avait ses débiteurs et ses créanciers. Elle avait ses financiers et ses vacanciers. Bref, elle réunissait tous les modèles de croissance possibles et imaginables. Cette Europe avait ses globalo-financiers, avec comme figure de proue le Royaume-Uni. La forte croissance britannique avant la crise tenait essentiellement à la vigueur de la consommation et au rayonnement international de la City. Peu importe la maigreur du filet de protection sociale, puisque le plein emploi était presque garanti. La France aussi a essayé de rejoindre ce club des globalo-financiers, s’appuyant sur la puissance de frappe de ses multinationales, la finance et la surconsommation. Et peu importe la désindustrialisation rampante. Cette Europe avait aussi ses mercantilistes sophistiqués, comme l’Allemagne qui a patiemment bâti sa stratégie sur une décennie. L’Agenda 2010, les lois Hartz n’avaient qu’une seule vocation : restaurer la compétitivité du pays pour accumuler les excédents à l’export, essentiellement vis-à-vis des voisins. L’Italie aussi, plus modestement, a opté pour la voie mercantiliste. L’Etat était certes endetté, mais l’industrieuse Italie du Nord est restée compétitive sur des niches à forte valeur ajoutée. Cette Europe comportait aussi des modèles floridiens, avec la Grèce, le Portugal et surtout l’Espagne. Etre floridien, c’est quoi ? C’est être un pays accueillant pour les touristes, avec une prospérité bâtie à coups de taux d’intérêts négatifs, de consommation rayonnante, et d’immobilier bouillonnant. La contrepartie c’est le creusement des déficits jumeaux et une perte de compétitivité rédhibitoire pour une industrie moribonde. Cet équilibre européen dissimulait donc une incroyable hétérogénéité qui n’a fait que s’accélérer à travers la crise, au point que c’est devenu intenable. Une seule certitude désormais : quelque chose doit changer. Au Royaume-Uni, le gouvernement du duo Cameron-Clegg a été élu avec un mandat clair : remettre de l’ordre dans les finances et l’économie britannique. Il faut une bonne dose d’austérité, certes. Mais tout doit être fait pour sauver la City qui continue d’irriguer Londres de ses livres et de son dynamisme. A cet égard, la signature d’un accord avec la Chine pour faire de Londres une place d’échange du Yuan renminbi est une preuve tangible de l’importance accordée par Downing Street à son centre financier. Mais le pays est aussi conscient du rôle que l’industrie a encore à jouer. Et oui, contrairement au discours savamment distillé de ce côté de la Manche, même s’il y a biens moins d’industriels britanniques qu’avant, il subsiste toujours une industrie au Royaume-Uni. Car le pays se fait fort d’attirer les investisseurs étrangers qui miseraient sur une main d’œuvre qualifiée et flexible. C’est le cas de Honda, c’est le cas de Nissan. C’est le cas aussi de Tata et peut être demain de celui d’industriels chinois d’envergure. Au Nord de la zone euro, le débat est plus clairement tranché encore. L’Allemagne, forte de ses performances économiques éclatantes et de ses exportations record n’a aucune vocation à changer de modèle économique. Au contraire, le prosélytisme dont elle fait preuve pour encourager ses voisins à changer de modèle prouve à quel point Berlin estime être dans le vrai. En Espagne, on a bien compris le message. Le gouvernement Rajoy a trouvé une économie exsangue, décimée par une population endettée, au patrimoine immobilier dévalorisé et accablé par un chômage avoisinant les 25%. La seule issue aujourd’hui, c’est l’ascétisme. Déjà, les plans de rigueur se succèdent et les pressions baissières sur les salaires se multiplient. L’Espagne devra se réindustrialiser pour équilibrer ses comptes extérieurs. Elle y parviendra en concurrençant par le bas, en se positionnant comme alternative crédible aux PECO. L’Italie, sait, elle-aussi, où elle doit aller : l’industrie sera sa planche de salut. On lamente sa quasi absence du palmarès des très grandes entreprises, mais son système de district industriels, irrigué par des PME dynamiques permet au pays d’afficher des performances honorables. Sans une facture énergétique exorbitante, l’Italie serait très largement excédentaire. Au milieu de tout cela, la France est prise en tenailles. Au Nord elle doit affronter les modèles mercantilistes et ascétiques. Au Sud de l’Europe elle voit se préciser la concurrence de pays qui recherchent une nouvelle compétitivité à travers la déflation salariale. Ce n’est pas tout : hors d’Europe elle doit aussi lutter contre les mercantilistes en transition, comme la Chine, et les mercantilistes émergents qui montent en gamme et qui constituent autant de terres d’opportunités pour ses multinationales. Des multinationales qui de plus en plus s’éloignent de leur port d’attache originel. C’est la preuve s’il en fallait que la France a tenté l’aventure du modèle globalo-financier. Elle a malheureusement échoué.
Alexander Law, Europe : top modèle au Nord contre flop modèle au Sud, une vidéo Xerfi Canal
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