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Début mars, il a été annoncé que les ministres européens de l’Économie avaient trouvé un accord sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF).

La mise en place d’un tel mécanisme est une demande de longue date de nombreux acteurs. Il est vu comme un moyen de rééquilibrer les échanges commerciaux en intégrant l’impact environnemental de certaines productions.

La France en avait fait une priorité de la Présidence française de l’Union européenne et l’annonce a été logiquement présentée comme une victoire politique.

Mais, s'agit-il réellement d'une bonne nouvelle pour les industries française et européenne ? Si ce mécanisme représente une réelle avancée, il faut en comprendre la complexité et les enjeux.

Quel est le but du MACF ?
- Limiter les fuites de carbone de l’Union Européenne, en évitant des phénomènes de délocalisation des productions là où les politiques environnementales sont les moins contraignantes.

Sur quoi repose l’accord actuellement ? Uniquement sur les intrants que sont :
- Le ciment,
- L'acier,
- Les engrais,
- L'aluminium,
- L'électricité.

Il vient compléter la politique de quotas carbone mise en place par l'Union européenne. Ainsi, quand le MACF entrera en vigueur :
- Les entreprises européennes, concernées par le marché européen du carbone, achèteront des quotas carbone dont le prix va surement être relevés
- Les entreprises qui exportent des productions vers l’Union européenne, elles, se verront imposer une taxe aux frontières pour les intrants listés précédemment

Le MACF peut donc être vu comme une volonté de rééquilibrer les échanges afin de ne pas pénaliser les entreprises européennes qui paient un quota carbone quand leurs concurrents ne sont pas soumis aux mêmes contraintes.

Il se veut être une mesure dissuasive pour les entreprises de produire à l’étranger et donc de localiser leur production là où :
- Les contraintes environnementales sont les plus faibles
- Il n’y a pas d’obligation d’acheter des quotas pour les gros consommateurs d’énergie (11 000 entreprises concernées au sein de l'Union européenne, représentant 50% des émissions européennes de dioxyde de carbone)

Donc, techniquement le MACF devrait faire baisser les importations sur ces intrants, mais aussi avoir un impact sur les prix de vente et/ou les marges, notamment des produits finaux contenant ces intrants.

Mais il s’applique uniquement sur les intrants et pas sur les produits semi-finis ou finis qui contiennent ces intrants car le mécanisme de calcul est réputé beaucoup plus complexe.

Ce positionnement induit deux conséquences :
1. Les industriels européens vont devoir faire face à une concurrence sur le marché européen de produits semi-finis et finis plus compétitifs car non soumis au MACF
2. Les Européens soumis aux quotas carbone seront moins compétitifs à l’export puisqu'en face deux ils auront des concurrents non soumis aux mêmes normes

En conclusion, le MACF est une avancée indéniable, mais il faut aller plus loin pour une décarbonation des productions mondiales :

1. Il aura un impact restreint sur la réduction des émissions mondiales au regard du poids des émissions européennes

2. Il pourrait fragiliser les producteurs européens en particulier d’acier et d'aluminium car les industriels pourront être tentés de trouver des produits suffisamment transformés, mais répondant à leurs attentes pour baisser les coûts d'achat et contourner le mécanisme. Il pourrait donc avoir un impact sur l’emploi de ces filières assez conséquents.

3. Il faut un mécanisme s’appliquant sur les produits semi-finis et finis pour être :
- Réellement efficace,
- Rééquilibrer les échanges mondiaux avec une vraie récompense pour ceux qui sont réellement vertueux sur le plan environnemental
- Éviter les risques de fermeture d'usines en France

4. Pire, pour préserver les productions existantes, il risque d’être contourné ou appliqué avec tellement d’exceptions qu’il éloignerait la possibilité de la mise en place d’une vraie taxe carbone

5. Il faut amener les autres pays, notamment la Chine et les USA à négocier pour des politiques environnementales bien plus ambitieuses pour atteindre les objectifs environnementaux mondiaux et rééquilibrer les rapports de force commerciaux

La France ne peut se satisfaire du mécanisme actuelle et doit profiter la PFUE pour être bien plus ambitieuse sur le plan environnemental, industriel et géopolitique.


Publié le jeudi 28 avril 2022 . 4 min. 52

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