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La pandémie de la COVID-19 a fait émerger de nombreuses questions autour de l’industrie et de la souveraineté en France. A l’échelle européenne, des questions se posent également avec la promotion du concept d’autonomie stratégique.

Mais de quoi s’agit-il ? L’autonomie stratégique consiste pour les Européens à être en mesure d’agir et de se défendre eux-mêmes pour assurer leur sécurité.

Apparue en 2013, cette notion était, au départ, associée au secteur de la défense avant de concerner d’autres secteurs dont l’industrie. Sans remettre en cause le fonctionnement de l’Union européenne, notamment la définition de la notion de concurrence, l’objectif pour la Commission est d’arriver à conserver une économie ouverte, tout en accroissant son autonomie dans un contexte de guerre sino-américaine.

Cette notion émerge à peine dans les textes officiels dans l’Union européenne, mais peut-être vu comme une prise en compte, certes tardive, par la Commission du rival qu’est désormais la Chine.

Pourquoi le choix est fait de parler d’autonomie stratégique et non de souveraineté ?
- La souveraineté européenne relève aujourd’hui plus du fantasme que de la réalité.
- Il est plus juste de considérer qu’il existe vingt-sept souverainetés nationales avec des intérêts souvent divergents.
- Il reste, néanmoins, vrai que les souverainetés nationales se trouvent limitées dans certains domaines où l’Union européenne à une compétence exclusive comme la politique de la concurrence ou la politique commerciale extracommunautaire.

Pour les défenseurs de l’autonomie stratégique, elle est importante pour quatre raisons :
1. Le recul du poids de l’Union européenne dans le monde.
2. Les interdépendances économiques mondiales, sources de tensions politiques.
3. La réorientation des États-Unis vers le continent asiatique à partir des années 2010 alors que l’Union européenne est confrontée à différents conflits et tensions à sa périphérie.
4. La guerre technologique sino-américaine amenant à une verticalisation des chaînes de valeur.

Les Européens entendent donc réduire leurs dépendances, mais ils peinent à se doter d’une vision systémique et géopolitique face à des rivaux qui ont bien saisi l’aspect stratégique de la maîtrise de leurs approvisionnements.

Pourtant les États membres ne sont pas alignés autour de cette question de l’autonomie stratégique, notamment certains la voient comme un risque d’éloignement des États-Unis et de l’Otan. Les pays du nord de l’Union européenne la regardent également avec méfiance au regard de leurs stratégies de développement, de leurs liens commerciaux avec l’Asie ou encore de leurs stratégies énergétiques.

Ainsi, si l’Union européenne entend renforcer son autonomie, elle se trouve souvent confronter à des oppositions internes et au cadre d’analyse choisie, qui donne le sentiment qu’il s’agit parfois plus d’un vœu pieu que d’une vraie politique :
- L’existence d’un dumping social et fiscal fort au sein de l’Union européenne.
- Une faible capacité à prendre des mesures anti-dumping contre des productions étrangères afin de préserver les productions nationales.
- Un droit de la concurrence inadapté à l’évolution de la concurrence internationale puisqu’il se cantonne souvent à apprécier un périmètre national.
- Une approche silotée des politiques, comme en France, peinant à faire le lien entre politiques industrielles et politiques environnementales par exemple, risquant d’accroître la dépendance du continent.
- Une absence de vision géopolitique, illustrée par la difficulté des États membres à adopter une position commune face à certaines entreprises comme Huawei, alors même que la Commission a qualifié en septembre 2020 la Chine de rival systémique.

Les Projets Important d'Intérêt Européen Commun (PIIEC) présentent une innovation dans l’approche par grands projets et dans l’utilisation récente qui en est faite, mais restent actuellement très centrés autour de projets concernant le secteur automobile et avec une prépondérance de l’Allemagne dans plusieurs d’entre eux, signe d’une évolution de l’approche allemande. Ils sont un premier pas vers une forme renouvelée de coopération entre des acteurs d’horizons différents et de politiques industrielles pour l’Union.

Il est indéniable que la pandémie et la guerre en Ukraine ont fait accélérer les évolutions en cours au sein l’Union européenne depuis le début des années 2010.

Toutefois, la seule promotion de l’autonomie stratégique ne suffira pas aux États membres pour être capable de parler d’une voix commune sur les grands enjeux de cette décennie.


Publié le mardi 07 juin 2022 . 5 min. 01

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