Fiat Chrysler (FCA) et Peugeot (PSA) ont officialisé leur projet de fusion pour devenir le quatrième constructeur automobile mondial. Le mariage était attendu, aucune des deux entreprises n’avaient la carrure mondiale pour s’en sortir toute seule. Pour autant, rien ne dit que ce rapprochement permettra de redynamiser un secteur industriel en perte de vitesse qui a besoin d’énormément d’investissements pour se renouveler.
Depuis la tentative de fusion avec Renault Nissan, on sait que Fiat cherchait un partenaire. L’entreprise a trois gros problèmes à résoudre : au-delà de sa petite Fiat 500 et de ses voitures de luxe, elle n’a pas de modèles récents sur les citadines ; elle est très en retard sur le développement de la voiture électrique ; ses performances sont en baisse.
De son côté, Peugeot reste un constructeur très européen. FCA lui ouvre les portes du marché états-unien et américain au sens large. Même après la fusion, l’ensemble restera un petit acteur sur le marché chinois. Le constructeur français dépense beaucoup en recherche et développement, des frais qu’il va pouvoir amortir sur une structure plus large ? Selon les données du groupe, PSA a dépensé 4,7 milliards de R&D en 2018, soit l’équivalent de 6,3 % de son chiffre d’affaires contre environ 2 % pour FCA.
De lourds investissements dans la voiture électrique sont d’autant plus nécessaires que les nouvelles normes européennes antipollution sont en train de fortement se durcir. Alors que les voitures européennes émettent de l’ordre de 110 grammes de CO2 au kilomètre, il ne faudra pas dépasser 95 grammes en 2021 et 56 grammes en 2030. L’effort financier sera important pour arriver à tenir ces normes. Ce qui signifie moins de profits et moins de dividendes pendant plusieurs années. Les actionnaires de Fiat-Chrysler sont-ils prêts à l’accepter ?
Les familles Peugeot et Agnelli, fondatrice de Fiat, se connaissent depuis longtemps. Pour autant, on n’assiste pas au regroupement de deux entreprises familiales. La famille Peugeot détient 12,2 % du capital de Peugeot, comme la BPI et comme le Chinois DongFeng. De son côté, Fiat-Chrysler est la propriété d’Exor, un fonds d’investissement, certes détenu à un peu plus de 50 % par la famille Agnelli mais qui investit aussi dans le business de la réassurance, dans le football, dans le groupe The Economist, etc.
Pour Exor, la stratégie de ces dernières années a été claire : priorité à la distribution du dividende pour l’actionnaire, quitte à moins investir, d’où les problèmes signalés plus haut. A priori, PSA devrait pouvoir imposer sa stratégie industrielle, au détriment d’une orientation trop financière. Si la fusion donne la moitié des parts à chaque entreprise, le patron de Fiat, John Elkann, sera le président du groupe et c’est Carlos Tavarès, celui de Peugeot qui sera le directeur général pendant 5 ans, c’est lui qui va tenir le volant. Dans le conseil d’administration de 11 membres, 6 viendront de PSA et 5 de FCA.
Pour autant, la finance continue d’imprimer sa marque. Les actionnaires de PSA devront attendre un peu pour toucher un dividende spécial de 3 milliards d’euros mais ceux de FCA vont toucher 5,5 milliards de cash, raison pour laquelle même si PSA a de meilleurs résultats que FCA, c’est l’action de cette dernière qui a grimpé après l’annonce de la fusion, ses actions rapportent du cash tout de suite.
Côté salariés, les dirigeants annoncent qu’il n’y aura pas de fermetures d’usines. Mais on peut réduire l’emploi sans fermer d’usines, en supprimant des lignes, en n’embauchant plus d’intérimaires, etc.
Enfin, le fisc français risque d’être perdant. Aujourd’hui FCA est une entreprise enregistrée aux Pays-Bas… mais elle est résidente fiscale au Royaume-Uni. On sent le schéma d’optimisation fiscale agressive : peu d’impôt de l’autre côté de la Manche, des dividendes et des plus-values transférés aux Pays-Bas et peu taxés. La nouvelle entité a déjà annoncé qu’elle sera enregistrée aux Pays-Bas. En étant aussi résident fiscal britannique ? On attend avec intérêt la position du gouvernement français sur le sujet.
Même en devenant le quatrième constructeur mondial, il n’est pas certain que la nouvelle entreprise garantisse son avenir. Parce que le secteur automobile tente de se réorganiser autour de la voiture électrique dont les batteries représentent un enjeu clé. Si 40 % de la valeur d’une voiture électrique vient de la batterie,
85 % du marché est contrôlé par l’Asie - Chine, Japon, Corée du Sud - 12 % par les Etats-Unis et 3 % seulement par l’Europe.
Enfin, l’avenir de l’automobile n’est pas qu’industriel, il se joue également du côté des services : va-t-on acheter ou louer sa voiture ? Et pour combien de temps ? L’auto partage va-t-il se développer ? Quand Renault entre au capital d’un magazine économique ou noue un partenariat avec Ubisoft, on comprend que la voiture de demain devra être un espace de vie où l’on doit pouvoir accès à des services d’information, de divertissement, etc.
Pas dit que tout ceci sera suffisant pour que les clients oublient que la voiture est une technologie du XXe siècle : polluante, couteuse individuellement et dangereuse.
Publié le lundi 18 novembre 2019 . 5 min. 24
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de Christian Chavagneux
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