La réforme de l’assurance chômage change profondément la donne pour l’emploi précaire. Le système de l’assurance chômage permettait et favorisait jusqu’ici l’enchainement de CDD à haut turnover en les rendant socialement viable. Avec un coût élevé pour l’UNEDIC, source principale de la dérive financière du système. Ce qui transformait de fait le gouvernement en « cofinanceur » de l’emploi précaire et l’assurance chômage en dispositif d’aide actif à l’emploi intermittent à travers plusieurs mécanismes :
1- Les modalités de calcul des droits. Jusqu’à la réforme, c’était le salaire journalier qui servait de référence au calcul des droits. Autrement dit, travailler 15 jours dans le mois, à un taux journalier équivalent au SMIC, permettait d’avoir accès à une indemnisation indexée sur le SMIC d’un mois complet, et de fait, de gagner davantage durant le mois au chômage que durant la période de demi-activité.
2- A travers aussi le mécanisme de report et de recharge des droits au chômage, mécanisme qui se mettait en place dès 150 heures de travail (soit 1 mois). Un allocataire chômage qui reprenait le travail avant la fin de sa période d’indemnisation pouvait alors non seulement reporter ses droits non utilisés pour plus tard, mais aussi accumuler de nouveaux droits au chômage indexés sur la durée de reprise du travail.
3- A travers enfin les règles de déclenchement des droits. Il suffisait jusqu’ici d’avoir travaillé au moins 4 mois en cumulé au cours des 28 derniers mois pour avoir accès à une indemnisation.
Des conditions durcies pour l’intermittence
La réforme chômage va reparamétrer tout cela.
• Ce n’est plus le salaire journalier, mais mensuel qui servira de base au calcul des droits. Autrement dit, celui qui a travaillé 15 jours rémunérés au SMIC, verra son indemnité indexée sur un demi-smic dorénavant
• Concernant la recharge, elle ne s’enclenchera qu’après le seuil de 900 heures de travail (6 mois versus 1 mois précédemment).
• Concernant le déclanchement des droits, il faudra désormais avoir travaillé 6 mois au cours des 24 derniers mois.
Emploi émietté : les entreprises taxées
À tous les étages, les conditions de l’intermittence se sont durcies. S’ajoute à cela la sur-taxation des entreprises qui recourent à l’emploi émietté :
1. Avec le bonus-malus qui vise les entreprises de plus de 11 salariés de 7 secteurs, notamment l’hôtellerie-restauration ou l’agro-alimentaire (et épargne la construction et la santé). Qui minorera ou majorera à la marge les cotisations chômage des entreprises en fonction de l’écart de l’entreprise à la moyenne du secteur concernant le taux de rupture des contrats donnant lieu à une inscription au chômage.
2. A quoi s’ajoute le forfait de 10 euros sur le recrutement d’un CDD d’usage qui agit donc de façon dégressive. Une personne recrutée 10 heures voit son coût majorer de 1 euro par heure. Celler recrutée 100 heures voit son coût majorer de 10 centimes par heure.
Vers une précarisation financière des plus précaires
L’offre et la demande de travail intermittent sont ainsi attaquées sur cinq fronts. Et le bonus-malus fait figure finalement de dispositif très anecdotique au sein de tout l’arsenal de freinage de l’embauche de contrats hyper-courts.
Tout cela se traduira par une baisse bien tangible sur le nombre de chômeurs indemnisés, qui devrait diminuer de 250 000. Avec des retombées positives indéniables sur l’équilibre financier du système. Et tout cela, devrait effectivement ralentir le turnover et l’embauche sur des durées très courtes.
Mais, gros bémol, cet affichage repose très peu sur les vertus du dispositif de bonus-malus, financièrement peu pénalisant et qui épargne les TPE et une majorité de secteurs. Il est obtenu au prix d’une précarisation financière accrue des tous ceux qui sont aujourd’hui dans le halo de l’emploi. Ce qui revient à faire financer le redressement financier de l’assurance chômage par les plus précaires et non par la responsabilisation des entreprises. De fait, le problème social est déplacé mais non résolu. Et dans une économie très éloignée du plein emploi, le fait de restreindre la demi-solution des mini-jobs intermittents à la française risque bien de mettre en tension le champ des autres aides sociales, celui dont on nous dit déjà qu’il coûte déjà un pognon dingue.
Publié le mardi 02 juillet 2019 . 5 min. 00
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