Xerfi Canal TV présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses - Xerfi
Revenons au cas français. Qu’est-ce que le modèle français.
C’est d’abord un modèle de socialisation des grandes fonctions d’intérêt général : la culture, l’éducation, la santé. C’est un choix. Un choix qui assure une certaine homogénéité de ces services essentiels et une égalité d’accès (sans ignorer pour autant la dualité du modèle français d’élitisme républicain). Un choix qui favorise la natalité puisque la venue d’un enfant, n’occasionne pas de bouleversement budgétaire. Un choix aussi qui permet une certaine traçabilité financière et prévisibilité. Puisque l’essentiel du financement de la protection sociale est assise sur un prélèvement sur le revenu courant, et donne lieu à des versements prévisibles. Ce n’est pas le cas des régimes par capitalisation volontaire, dont l’équité, le rendement et la valeur sont soumis à de forts aléas, ce qui réduit la visibilité sur la qualité du provisionnement des risques.
Ce choix a ses contraintes. La montée en puissance de la population dépendante c’est maintenant (jeunes et seniors). Chaque pays a sa temporalité de vieillissement. Et pour le système de répartition à la française, c’est là que le système est le plus mis en tension. Et ce jusqu’en 2035-40. Ce n’est qu’après que la France reprendra l’avantage sur les autres pays, et retirera les dividendes d’un système certes coûteux, pénalisant à court terme pour sa compétitivité, mais qui lui permet grâce à la dynamique endogène de sa population de desserrer l’étreinte, au moment où d’autres pays franchiront de nouveaux paliers de dépendances.
Le modèle français, c’est ensuite une préférence pour la stabilité de la relation d’emploi, qui stabilise la demande intérieure. Cette stabilité veut dire que l’entreprise participe à l’assurance contre le risque en acceptant de s’exposer aux aléas de la conjoncture. Ce système a aussi sa logique. Pour que cette stabilité de l’emploi et des revenus ne soit pas pénalisante en termes de compétitivité et de profitabilité, les salarié français devraient accepter une certaine décote de leur salaire, de sorte que les entreprises puissent provisionner le risque qu’elles acceptent de porter. C’est sur ce point que le compromis implicite français doit être questionné, plus que sur sa viabilité intrinsèque. Encore moins au nom du mauvais argument de la protection de l’emploi comme frein à la destruction créatrice. Car, on le sait, les lois et les règlements n’ont jamais bloqué la mobilité des plus-qualifiés, qui sont des mobilités volontaires, job to job, sans passage par la case chômage, non subies donc, dans la très grande majorité des cas.
Le modèle français, c’est enfin une concentration productive au sommet sur des grands groupes multinationaux, dont l’envergure dépasse de loin le territoire. Cette une caractéristique, qui nous rapproche des pays anglosaxons. On peut certes regretter les middlestand allemand et italien, mieux ancré sur le territoire. Mais on peut aussi acclimater cette caractéristique sans la qualifier a priori d’handicap. Car disposer de grands groupes, c’est disposer de structures en prise directe avec les marchés du monde entier ; c’est disposer d’une puissance de feu financière pour acquérir des marques, des brevets, mobiliser les savoirs faire à travers le monde. Une puissance de feu financière qui permet à ces même groupes d’être des acteurs clé du développement des jeunes pousses, après acquisition. C’est disposer d’une capacité à générer des revenus, qui se retrouvent en flux positif de la balance des paiements, plus que compensant le déséquilibre des transactions de biens et services. Alors cela crée certes un risque de capture du politique, un risque industriel plus concentré… on le voit depuis plusieurs années avec Alstom, Lafarge etc ; Mais la balance du jeu de la prédation n’est pas nécessairement défavorable à la France lorsque l’on regarde notre balance des investissements direct, où nos acquisition à l’étranger excèdent structurellement les investissements des étrangers en France.
Alors, dire que la France n’a pas de modèle de croissance est erroné. Une erreur qui pousse à la faute, car ce modèle a sa cohérence, et à force d’être dans le déni de notre modèle, c’est sa cohérence interne et son efficacité que nous oublions de travailler.
Olivier Passet, Changeons le modèle français ! Imposture ou incompétence ?, une vidéo Xerfi Canal TV
Publié le mercredi 14 septembre 2016 . 5 min. 07
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